Choisir les meilleurs films dramatiques des vingt dernières années est une tâche ardue, dans le style de Le choix de Sophie. La réalisation de films pertinents et superbement produits depuis le début de ce siècle est telle que le fait d’écarter certains d’entre eux semble relever de l’abandon et de l’insensibilité. En ce sens, ma liste de choix des « meilleurs films » doit être considérée comme sept possibilités parmi beaucoup d’autres, et dans tous les cas, elle représente mes choix personnels. Ce sont des films qui ont fait appel à mes émotions et à mon intellect, et qui ont continué de résonner en moi longtemps après la fin de la projection dans une salle obscure.
Kinsey (2004)
Réalisateur : Bill Condon
En vedette : Liam Neeson, Laura Linney
Kinsey jette un éclairage puissant sur la vie et l’œuvre d’un courageux sexologue. Le film présente les performances vulnérables et gracieuses de Liam Neeson et Laura Linney, ainsi que la direction et le montage créatifs de Bill Condon, tout en procédant à l’exploration des idées du professeur Kinsey. Son message et ses recherches révolutionnaires sur l’importance d’accepter et de comprendre la diversité sexuelle sont aussi pertinents aujourd’hui qu’il y a près de 70 ans. Kinsey est un film bien ficelé qui révèle en fin de compte la nécessité de voir les vérités afin de se libérer des mensonges et de l’ignorance qui nous étouffent tous. Oui, la vérité et l’amour nous rendront libres.
Les Infiltrés (France), Agents troubles (au Québec) (2006)
Titre original : The Departed (2006)
Réalisateur : Martin Scorsese
En vedette : Leonardo DiCaprio, Matt Damon, Jack Nicholson, Mark Wahlberg
Les Infiltrés a remporté l’Oscar du meilleur film et celui du meilleur réalisateur. Ce film qui porte sur des mafieux sans pitié de Boston et des agents d’infiltration impliqués dans des tromperies et des trahisons malveillantes, ainsi que leurs conséquences tragiques et déprimantes, m’a à la fois intrigué et horrifié. Oui, Les Infiltrés est un film explicitement violent, mais cette brutalité n’est jamais gratuite ni jouée pour susciter des frissons inutiles. Voilà le genre de film que Shakespeare aurait réalisé s’il avait vécu à notre époque : pensons aux grands thèmes, aux nombreux meurtres et mutilations dans des pièces comme Hamlet, Macbeth, Le Roi Lear et Titus Andronicus. C’est du cinéma sérieux dans ce qu’il a de plus excitant et de plus saisissant.
Reviens-moi (France), Expiation (Québec) (2007)
Titre original : Atonement
Réalisateur : Joe Wright
En vedette : James McAvoy, Keira Knightley, Vanessa Redgrave
Certains critiques ont eu du mal à apprécier ce film axé sur les personnages et conçu avec brio, qui raconte une histoire d’enfance et de malentendus, de méchanceté de classe, d’amour, de trahison et de rédemption avec une force aussi déchirante et obsédante. Tout au long du film, j’ai été captivé par la vie de ces personnes croisées dans la campagne anglaise magnifiquement photographiée, et par les horreurs de Dunkerque et de la Seconde Guerre mondiale. La tension dramatique finale et ironique est comme un énorme coup de poing dans l’estomac qui remet en question le pouvoir purificatoire et rédempteur de l’art et de la littérature en soi. C’est un film puissant qui traverse les époques.
Le Discours d’un roi (France), Le Discours du roi (Québec) (2010)
Titre original : The King’s Speech
Réalisateur : Tom Hooper
En vedette : Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham Carter
Ce film captivant et divertissant a remporté l’Oscar du meilleur film et du meilleur acteur en 2010. Il présente la superbe performance de Colin Firth dans le rôle du Prince Albert, un bègue contraint de monter sur le trône pour devenir le roi George VI après l’abdication soudaine d’Edward VIII, ainsi que celle de Geoffrey Rush dans le rôle de son insolent orthophoniste autodidacte. Ensemble, leur jeu dramatique tient d’un sens du rythme très réussi – c’est aussi le miracle du pouvoir d’un enseignement génial sur les élèves les plus têtus. Alors que George VI finit par retrouver sa voix pour inspirer sa nation pendant que les tambours de guerre résonnent au loin et que le pouvoir de la radio prend le dessus, nous sommes confrontés à la fois aux rires et aux larmes. Le Discours d’un roi nous amène à comprendre le pouvoir des relations et des amitiés réelles, tout comme l’impact d’une communication réelle et profonde.
Whiplash (2014)
Réalisateur : Damien Chazelle
En vedette : Miles Teller, J.K. Simmons
Whiplash est un film qui vous contraint à vous débattre avec des idées énormes et dérangeantes sur l’enseignement et l’ambition. Jusqu’où un enseignant doit-il aller pour qu’un élève atteigne sa version de la perfection? La « perfection » en vaut-elle le coup si elle implique une brutalité psychologique? Ce film, dans lequel J. K. Simmons (qui a remporté l’Oscar du meilleur acteur de soutien) livre une performance remarquable d’un professeur de musique maniaque et obsessionnel, est très troublant – et très intense. Il vous laissera à la fin à la fois étrangement satisfait et bouleversé. Jusqu’où seriez-vous prêt à aller comme enseignant pour satisfaire vos propres ambitions? À noter que Damien Chazelle a ensuite réalisé La La Land en 2016, un autre grand film!
Dunkerque (2017) Titre original : Dunkirk
Réalisateur : Christopher Nolan
En vedette : Fionn Whitehead, Tom Glynn-Carney
Dunkerque est une expérience cinématographique qui immerge le spectateur. Même si certains semblent croire qu’il n’y a pas de trame dramatique, l’expérience de voir et d’entendre le chaos et le bruit explosif et terrifiant de la guerre est l’intrigue en soi. Ce film traite de l’évacuation massive de milliers de soldats des côtes françaises vers l’Angleterre en 1940. Il vous amène au cœur de la guerre, par les voies terrestre, maritime et aérienne, pour vous faire vivre directement ce que ces hommes et ces femmes courageux ont dû endurer, en essayant simplement de survivre. Je n’ai jamais regardé un film de guerre comme celui-ci, et j’en suis reparti avec encore plus de respect pour ceux qui se sont battus pour nous et nos fragiles démocraties avec tant de bravoure et de vaillance. Pour profiter pleinement de son impact, il faut regarder ce film sur l’écran le plus grand possible, avec le meilleur système de son possible (je l’ai vu en UltraMax). J’ajouterai que deux autres grands films, Their Finest (Une belle rencontre) et Darkest Hour (Les heures sombres) (avec Gary Oldman dans un rôle de Winston Churchill qui lui a valu un Oscar), traitent également en partie de l’évacuation de Dunkerque et qu’ils doivent être considérés comme des compléments cinématographiques.
Parasite (2019)
Réalisateur : Bong Joon-ho
En vedette : Song Kang-ho, Cho Yeo-jeong
Parasite, un film sud-coréen, a remporté les Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur, et avec raison : il comprend des scènes que je n’arrive toujours pas à me sortir de la tête. Le réalisateur Bong Joon-ho a élaboré avec brio un film qui tient à la fois de la satire sociale juvénile, de la comédie d’horreur et du suspense. Sa cinématographie et sa bande sonore rappellent les techniques et l’atmosphère du maître du suspense, Alfred Hitchcock. Vous serez angoissé jusqu’à la fin. Grâce aux performances exceptionnelles de l’ensemble de la distribution, le film montre l’inégalité entre deux classes économiques à Séoul. C’est le thème de l’homme riche et de l’homme pauvre qui vous désole, tout en vous faisant rire à contrecœur et vous laissant stupéfait devant les rebondissements horribles et la violence soudaine. Le film se veut une véritable accusation contre l’indifférence cruelle et la consommation manifeste des très riches.
J’aurais pu mentionner au moins 20 autres superbes films de notre siècle, dont Le son du silence (Sound of Metal) Le père (The Father) et Minari, sortis l’an dernier, mais je pense que ces sept films sont peut-être les meilleurs.
Au plaisir de se revoir au cinéma!
