J’ai enseigné à l’élémentaire pendant toute ma carrière. J’ai consacré presque tout ce temps à enseigner exclusivement la musique et, pendant 20 ans, j’ai dirigé le Buchanan Park Opera Club, qui produit des opéras avec des élèves de la 1re à la 6e année. Nul besoin de convaincre les enfants qu’ils peuvent se mettre à l’opéra; ce sont les adultes qu’il faut persuader. Nous n’avons pas changé les intrigues – alors Carmen meurt, ainsi que Mimi dans La Bohème – même que je me souviens d’avoir dû rassurer les enfants de maternelle en leur disant que l’élève qui jouait Mimi était toujours en vie après la représentation.
En 2020, pendant la COVID, nous avons produit une version en ligne de Brundibár, un opéra pour enfants dont la première eut lieu en 1943 dans le camp de concentration de Theresienstadt. Nous avions commencé en classe, mais lorsque tout s’est arrêté en raison de la pandémie, les élèves ont séparément enregistré leurs propres parties et me les ont envoyées. Ils se sont enregistrés sur toutes sortes d’appareils (iPads, ordinateurs, etc.), ce qui a représenté un véritable défi technique pour moi. Pour ce projet, j’ai reçu le Prix d’histoire du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement. Je suis vraiment fière des élèves.
La retraite fut toute une transition pour moi. J’étais « programmée » pour produire des opéras chaque année. J’ai dû me redéfinir et trouver un but dans ce que je fais maintenant. Je ne veux pas simplement me tenir occupée, comme un jeune enfant qui a besoin d’être distrait, et je ne vais pas m’asseoir et regarder la vie passer.
Je possède un chalet à Haliburton, et la région est assez reconnue pour l’opéra. Le Highlands Opera Studio s’y trouve, et j’y ai organisé des forums éducatifs sur l’opéra. J’ai aussi fait la critique de certaines représentations pour le magazine Opera Canada.
J’ai lu que la station de radio communautaire locale, Canoe FM, cherchait de nouvelles émissions. J’ai donc fait une proposition et présenté un échantillon d’enregistrement d’une émission axée sur l’opéra. La station a accepté mon idée. Opera Night in Canada est une émission qui s’adresse non seulement aux amateurs d’opéra, mais aussi aux personnes intimidées par cet art ou qui n’en ont jamais écouté. Pendant une heure, je me plonge dans un opéra ou un thème relié, je fais jouer des extraits et j’explique ce qu’est un opéra. Et pendant environ 20 minutes au milieu de l’émission, je présente une entrevue avec une personne en rapport avec l’opéra ou le thème.
Ces entrevues sont passionnantes. J’ai accueilli des vedettes ayant reçu l’Ordre du Canada, tout comme des jeunes qui commencent leur carrière à l’opéra, des musiciens d’orchestre, et même des perruquiers. Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, les personnes qui travaillent dans le domaine de l’opéra ne sont pas prétentieuses – elles ont simplement un emploi inhabituel. Parfois, même les chanteurs de renommée mondiale sont un peu nerveux et tendus au début d’une entrevue.
Les émissions axées sur des thèmes sont plaisantes parce qu’elles ne suivent pas le synopsis d’un opéra. Dans le cadre d’une émission sur le printemps, j’ai interviewé un chanteur qui est aussi un jardinier passionné. Pour Halloween, j’ai parlé d’horreur et d’opéra avec un créateur de perruques. À l’occasion du jour du Souvenir, je me suis interrogée sur le thème du souvenir dans l’opéra. Ce fut une entrevue très émouvante.
Comme enseignants, nous insistons auprès des élèves sur le fait qu’il ne faut jamais cesser d’apprendre, et faire de la radio est pour moi une occasion d’apprendre. J’utilise de mieux en mieux les logiciels audio, de sorte que la production de l’émission s’est améliorée au cours des deux dernières années. J’ai appris à utiliser le logiciel principalement par essais et erreurs, ce que nous espérons que les élèves feront.
Au début de ma carrière d’enseignante, un professeur m’avait dit qu’il était préférable de poser des questions aux enfants, plutôt que de leur donner des réponses. Cela m’avait marquée, et les habiletés acquises en posant des questions aux élèves m’aident aujourd’hui dans mes entrevues.
À gauche, Dawn Martens au pupitre.
Performance de A Woman of Song à la Melrose United Church.
Dawn avec Karen Snell (à g.) et Kathy Salata (à dr.), de A Women of Song.
Je dirige aussi deux chorales et suis des cours de direction d’orchestre – je ne me contente donc pas d’agiter les bras en l’air. L’une des chorales, le Duet Club of Hamilton, compte des chanteurs âgés d’environ 60 ans. J’apprends de ces personnes, en particulier des femmes ayant beaucoup plus d’expérience que moi; elles sauraient reconnaître un mauvais chef d’orchestre.
Existant depuis 135 ans, le Duet Club est le plus ancien club musical féminin du genre au Canada et il est très valorisant pour les chanteuses. En tant que femmes, en vieillissant on peut se sentir invisibles. C’est ce que j’ai déjà ressenti, et je me souviens que ma grand-mère disait la même chose. Je veux travailler avec les membres de la chorale pour leur dire : « Vous êtes des femmes fortes et puissantes. Vous avez quelque chose à dire et vous méritez un public. » C’est merveilleux, et en retour cela me stimule.
Même si je travaille maintenant avec des adultes, souvent plus âgés que moi, je puise toujours dans mon expérience d’enseignante auprès des enfants de l’élémentaire. Je songe parfois à mon ancienne carrière pour me rassurer sur le fait que, dans la chorale « vous n’êtes que 40, tous adultes, et ne courez pas dans tous les sens. Tout ira bien ». Lorsque j’enseignais, j’essayais toujours de me mettre au niveau des élèves pour leur parler et ne jamais les prendre de haut. C’est la même chose avec les adultes, surtout les aînés. Ils apportent de la sagesse au travail que nous essayons de faire.
La retraite a été la plus importante transition de ma vie. Comme pour d’autres enseignants, ma vie a été définie par le calendrier scolaire, depuis l’âge de quatre ans jusqu’à la retraite. J’aurai probablement toujours l’impression que septembre marque le début de l’année. Je ne suis pas toujours à l’aise avec les transitions, et j’ai eu un peu de mal à faire mon deuil au début. Mais je continue d’apprendre et j’ai maintenant le temps d’explorer de nouvelles choses, comme la peinture et l’écriture. Quand je discute avec des enseignants au bord de la retraite, ils craignent souvent de ne plus se reconnaître. Mon grain de sel : quelque chose de beau vous attend et vous trouverez une façon de vous réinventer.
Opera Night in Canada airs est diffusée sur Canoe FM de 18 à 19 heures le troisième jeudi de chaque mois. L’émission est également accessible en ligne sur canoefm.com.