Pour Kim Short, Cheryl Shannon et Dave Hunt, la course de bateaux-dragons est plus qu’une simple activité de loisir. Ce sport a exigé des efforts intenses, un entraînement physique soutenu et un travail d’équipe coordonné pour ces enseignants retraités, aboutissant en une qualification dans l’équipe nationale canadienne ainsi qu’en une participation aux plus récents Championnats du monde de courses de bateaux-dragons à Pattaya, en Thaïlande, en août 2023. Dans sa division, l’équipe canadienne senior C a remporté 12 médailles d’or et deux médailles d’argent, assurant ainsi au Canada une domination complète sur le nombre total de médailles. Ô Canada, en effet!
Le trio fait partie de l’équipe nationale Senior C, composée d’athlètes âgés de 60 ans et plus. Mais au sein de cette grande équipe, ces sportifs se répartissent entre les différentes compétitions : femmes, open et mixtes, dans quatre distances de course. Dave Hunt pagaie pour les équipes ouvertes et mixtes, tandis que Kim Short pagaie pour l’équipe féminine. Cheryl Shannon, une pagayeuse de compétition de longue date, est barreuse pour les équipes féminines, mixtes et quelques équipes ouvertes.
Dave Hunt et Cheryl Shannon sont membres du Evolution Paddling Club à Toronto, alors que Kim Short appartient depuis longtemps à l’équipe Knot A Breast à Hamilton.
Dave Hunt en action.
Dave Hunt
Dans le bateau, je pagaie généralement depuis les places du milieu (ce qu’on appelle « engine room ») pour garder le bateau en équilibre. Les pagayeurs de la section avant sont appelés des « pacers ». Ce sont eux qui donnent le rythme à l’équipage. La section centrale (engine room) est réservée aux pagayeurs plus grands et plus forts, tandis que ceux dans les places à l’arrière du bateau (les « rockets ») doivent faire face à la vitesse et à la turbulence de l’eau.
Le bateau-dragon a pris naissance en Chine il y a plus de 2 000 ans. Des millions de personnes s’y adonnent en Chine, un sport devenu extrêmement populaire au Canada depuis une quarantaine d’années. On compte environ 150 équipes dans la seule région de Toronto. D’après le nombre de médailles remporté aux derniers championnats du monde en Thaïlande, nous sommes actuellement le pays le plus performant au monde.
Je me suis initié au bateau-dragon à la fin de la cinquantaine, après qu’un enseignant dans la salle de musculation de l’école a commencé à parler de son équipe qui essayait de se qualifier pour les championnats du monde de Club Crew en Hongrie. Il n’existe pas beaucoup de sports d’équipe où les gens dans notre groupe d’âge peuvent encore concourir à un niveau élevé.
Notre équipe nationale n’est pas comme une équipe olympique, par exemple, où les membres vivent et s’entraînent ensemble pendant des semaines. Je m’entraîne avec certains membres de l’équipe trois ou quatre fois par semaine, mais l’équipe n’est au complet qu’à quelques occasions avant une compétition importante. Lorsque tous comprennent le plan de course et les attentes de nos entraîneurs alors nous devenons un équipage compétitif et nous nous synchronisons assez rapidement.
En Thaïlande, j’ai vraiment eu l’impression d’être dans la meilleure forme physique de ma vie, mais les bienfaits sont aussi sur le plan mental. Pagayer sur les eaux calmes au Toronto Sailing & Canoe Club à 5 h 30 du matin, voir le lever du soleil et la ligne d’horizon de Toronto – c’est à couper le souffle, je l’avoue. Et il n’est pas nécessaire d’être féru de compétition pour aimer le bateau-dragon. Il existe beaucoup d’autres équipes qui s’y adonnent surtout comme loisir. Lors d’une régate, vous verrez des équipes en costumes ridicules et des équipes sérieuses en uniformes sportifs assortis.
Personnellement, j’ai trouvé le passage à la retraite difficile quand j’ai quitté les cinq périodes de classe clairement définies chaque jour. Le bateau-dragon m’a permis de concentrer mon attention ailleurs.
Kim Short et la fierté d’être Canadienne.
Kim Short
Beaucoup d’équipes formées de survivantes du cancer du sein s’adonnent au bateau-dragon. Dans mon cas, faire partie d’une telle équipe m’a permis de me faire des camarades et de nouer des liens très précieux avec des personnes ayant vécu une expérience semblable à la mienne.
Mon mari a pris une photo de moi montant dans le bateau lors de mon premier entraînement. J’avais l’air assez hésitante à l’époque, mais ce sport m’a permis de devenir plus forte que jamais auparavant, et d’avoir plus de confiance mentale en moi.
Dans l’équipe nationale, les amitiés nouées avec les autres pagayeuses sont différentes de celles avec mes autres amies, parce que nous vivons ensemble des moments forts et intenses. Avant la première course aux championnats du monde en Thaïlande l’an dernier, je me suis blessée. Parce que j’avais travaillé tellement dur pour avoir ma place dans l’équipe, j’étais vraiment, vraiment en colère contre moi-même. Comme je ne pouvais pas pagayer, j’ai pris le relais comme batteuse (pour marquer le rythme au tambour).
Le batteur est assis à l’avant, face aux pagayeurs. C’était la première fois que je voyais pagayer tout l’équipage des 20 femmes. Voir leur courage et leur détermination m’a beaucoup émue. Nous avons gagné la course, et j’ai pu tenir le coup et recommencer à pagayer quelques jours plus tard.
Je n’avais jamais imaginé qu’un jour je porterais le maillot de l’équipe du Canada, que je monterais sur un podium et chanterais le « Ô Canada ». Aujourd’hui, je ne vois pas ma vie sans le bateau-dragon.
ˮLe bateau-dragon a commencé en Chine il y a environ 2 000 ans. Des millions de personnes y participent en Chine, mais au cours des 40 dernières années, ce sport est devenu extrêmement populaire au Canada.ˮ — Dave Hunt
La barreuse Cheryl Shannon, lors des Championnats du monde en Thaïlande.
Cheryl Shannon
Le bateau-dragon me permet de rester en forme et de travailler vers un objectif, tout en faisant de nouvelles connaissances qui partagent les mêmes buts. Depuis que j’ai commencé à participer à des compétitions internationales, le bateau-dragon m’a fait visiter des endroits que je n’aurais pas choisis moi-même.
Après avoir pagayé plusieurs années au sein d’équipes nationales, je recherchais un nouveau défi. Je suis actuellement une des barreuses de l’équipe. C’est une habileté que je n’ai pas encore complètement maîtrisée, mais je vois cela comme une façon de me motiver à aller plus loin. L’an dernier, j’ai été barreuse de l’équipe nationale aux championnats du monde.
Le travail du barreur consiste à maintenir la ligne de course du bateau, en faisant preuve aussi de stratégie, surtout dans un circuit ovale où nous pouvons nous déplacer vers l’intérieur de la piste comme le ferait un coureur de 800 mètres. Dans de nombreuses équipes, les barreurs lancent aussi des ordres, et si je sens que la cadence diminue, je peux donc demander un « power five » (puissance cinq), ou si nous sommes fatigués, je peux crier d’allonger le coup de pagaie.
En ramant de façon synchronisée, nous développons plus de puissance. Si nous ne pagayons pas tous de la même manière, c’est plutôt contre-productif. Lorsque chacun a le même objectif et que la communication et les commentaires sont clairs, les équipes travaillent en harmonie. Une bonne entente au niveau de l’équipe aide aussi.
Le bateau-dragon convient aux personnes qui aiment la compétition, mais qui ne veulent pas être seules au moment de gagner ou de perdre. Vous pouvez compétitionner, vous pouvez travailler fort, mais vous le faites en groupe. En cas de succès, c’est la victoire de tous, mais en cas d’échec, vous vous réconfortez mutuellement. C’est alors qu’on se dit : « On aura le dessus la prochaine fois! »
Position des pagayeurs de l’équipe
L’entraîneur décide de la place des 20 pagayeurs d’une équipe standard, en fonction de leur poids, de leur force et de leurs habiletés – le bateau doit être équilibré des deux côtés et coordonné de l’avant à l’arrière.
Les pagayeurs des trois premières rangées sont surnommés « les strokes ». Ce sont eux qui pagaient dans des eaux calmes et lourdes; dans de nombreuses équipes, ils donnent le rythme au reste de l’équipage du bateau. Tous les pagayeurs doivent ramer de façon coordonnée, mais il est particulièrement important que leur rythme soit très précis. Le batteur à l’avant aide à donner la cadence pour tous les autres.
La « engine room » est formée des quatre rangées du milieu. Dans une équipe mixte, il s’agit généralement d’hommes plus lourds possédant une très bonne force du haut du corps, qui fournissent beaucoup de puissance au bateau.
Dans les trois dernières rangées, les « rockets » doivent être des pagayeurs dotés de force, d’une excellente technique et d’un coup de pagaie plus long, afin de pouvoir tirer plus d’eau lorsqu’elle est déjà agitée et en mouvement. « Vous ne devez pas avoir l’impression de paga-
yer dans du beurre mou, précise Cheryl Shannon. La pagaie doit s’enfoncer dans le beurre gelé, afin de pouvoir tirer le bateau vers l’avant. »
Le barreur est assis à l’arrière et utilise un gouvernail semblable à une rame pour ajuster la direction du bateau afin d’adopter en tout temps la position la plus efficace et la plus stratégique.
La stratégie pour placer les pagayeurs et le rôle de chaque section peuvent varier d’une équipe et d’un entraîneur à l’autre. Les entraîneurs ont leurs propres théories sur la façon de tirer le meilleur parti d’une équipe – un peu comme les entraîneurs de hockey accordent une importance différente à l’attaque et à la défense. De plus, les équipes récréatives formées de pagayeurs novices sont souvent organisées différemment des équipes de compétition expérimentées.