Qu’est-ce qu’une communauté? Un lieu, comme une ville ou un quartier? Ou bien des personnes qui partagent quelque chose de fondamental, comme la langue, l’héritage, la religion, la culture ou les intérêts? Bien sûr. Mais une communauté n’est pas seulement un lieu ou un groupe, c’est aussi une façon d’être.
Le mot « communauté » vient du latin « communitas » et « communitatem », qui désignent un usage commun ou une fraternité. À partir du XIVe siècle, sa signification portait sur les possessions ou les plaisirs communs. Une communauté n’est pas seulement ce que nous sommes, mais surtout ce que nous y faisons. C’est construire et évoluer ensemble, tout en apportant les changements qui reconnaissent les besoins de chacun.
Voici comment trois districts de RTOERO ont mis en œuvre ce concept de communauté. Le premier a donné une impulsion en vue de promouvoir le bien-être et lutter contre l’isolement. Un autre aide des élèves à l’étranger en répondant à l’un de leurs besoins des plus essentiels. Et un troisième soutient des élèves qui démontrent une responsabilité sociale.
Ensemble, ils témoignent du pouvoir du collectif, alors que l’implication d’une communauté en enrichit une autre.

Créer des liens sociaux et communautaires
« Un endroit où aller. Quelque chose à faire. Quelqu’un à qui parler. » Voilà la devise du Bruce Men’s Shed, une initiative qui réunit des hommes retraités et d’autres hommes âgés dans un nouveau réseau social.
Le mouvement des Men’s Sheds (cabanes pour hommes) a débuté en Australie et au Royaume-Uni avant de s’étendre au Canada. Le concept vise à aider les hommes à développer de nouvelles amitiés, à acquérir de nouvelles habiletés et à s’impliquer dans des projets communautaires.
« En définitive, cette initiative contribue à une meilleure santé mentale », explique Sharron Colter, première vice-présidente du District 10 Bruce, Grey, Dufferin, qui a versé une subvention communautaire de RTOERO à ce programme.
« À la retraite, les hommes semblent se retirer de la vie sociale, ce qui est préoccupant », dit-elle. N’étant plus au travail, ils n’ont plus l’occasion quotidienne de socialiser. C’est vrai pour tout le monde, mais les hommes (davantage que les femmes) ont tendance à associer une grande partie de leur identité à leur carrière. Les femmes peuvent elles aussi se sentir seules, mais elles ont généralement plus d’amies proches et des contacts sociaux plus étendus.
Une communauté, comme celle de la péninsule de Bruce, en Ontario, présente d’autres défis relatifs à la socialisation. Cette petite communauté rurale a accueilli de nombreux retraités des grandes villes, qui ont laissé derrière eux leurs anciens contacts sociaux, ainsi que les liens familiaux avec leurs enfants et petits-enfants. « C’est un phénomène important pour la péninsule de Bruce », explique Mme Colter. Son implication avec le Grey Bruce Council on Aging (deuxième vice-présidente) et le Northern Bruce Peninsula Community Support Advisory Action Committee (présidente) la rend très consciente des besoins existants. Elle raconte avoir reçu des appels de femmes lui demandant quels programmes étaient en place pour aider leurs conjoints à retrouver une vie sociale. « Les hommes socialisent différemment. Ils sont très pragmatiques, aiment les projets, aiment faire des choses », résume Mme Colter.
Le Bruce Men’s Shed compte une cinquantaine de membres réguliers, alors que d’autres viennent par intermittence. Ils se rencontrent ordinairement à la filiale de la Légion royale canadienne de Lion’s Head, située dans le nord de la péninsule Bruce, à mi-chemin entre Owen Sound et Tobermory. D’autres endroits ont accueilli des conférenciers invités.
Les membres se retrouvent pour réparer les armoires de cuisine d’un centre communautaire local, fabriquer des cabanes à oiseaux pour une résidence d’aînés et construire des gîtes à chauves-souris et des nichoirs en bois pour l’organisation à but non lucratif Conservation de la nature Canada. Des groupes plus restreints se sont adonnés à des passe-temps, comme la construction de modèles réduits. Et presque chaque semaine, des membres parcourent ensemble le sentier Bruce.
Les membres de Bruce Men’s Shed s’informent sur les nombreux programmes ou organisations de la péninsule Bruce à la recherche de bénévoles, allant du sentier Bruce à la bibliothèque de Lion’s Head.
Selon Men’s Sheds Canada, le concept peut prendre de nombreuses formes – et aucune « cabane » n’est nécessaire dans les faits. Différents groupes proposent des visites libres, du bénévolat, le travail du bois, de la cuisine, du jardinage, du mentorat et du partage de compétences, des événements culturels, des réparations de maisons, de vélos et d’automobiles, et plus encore. Chaque « cabane » est indépendante. Ses membres décident de l’endroit et de la fréquence des rencontres et de leurs activités.
En Grande-Bretagne, des chiffres indiquent que les participants réguliers aux « cabanes pour hommes » ont vu leur anxiété diminuer de 75 pour cent et leur dépression de 89 pour cent.
« C’était formidable de voir ces hommes sortir de leur coquille et devenir plus sociables, dit Mme Colter. Beaucoup d’entre eux ont des compétences et des habiletés qu’ils sont prêts à partager avec la communauté. »
Peu importe sa nature, une « cabane pour hommes » offre un environnement sûr et amical où ils peuvent trouver des objectifs, des opportunités et des centres d’intérêt nouveaux, tout en rendant service à la communauté. Cela renforce leurs liens sociaux et, en fin de compte, le tissu communautaire.

Lutter contre la pauvreté périodique
Une subvention communautaire de RTOERO versée par le District 37 Oxford permet à un groupe de 10 femmes de se réunir deux fois par mois pour préparer des trousses répondant à un problème majeur, mais souvent négligé, de santé et d’équité à l’échelle mondiale, et contribuant ainsi à avoir un impact sur des élèves à l’autre bout du monde, en Ouganda et au Soudan du Sud.
Il s’agit de la section Woodstock de l’organisation internationale à but non lucratif Days for Girls, et en date de fin d’année 2024, ces bénévoles ont préparé environ 1 000 trousses.
Dans plusieurs régions du monde, les filles ratent souvent plusieurs journées d’école chaque mois pour une raison tout à fait évitable : elles n’ont pas accès aux produits menstruels.
Days for Girls croit en un monde où les menstruations ne sont jamais un problème. Voilà pourquoi des sections locales à travers le monde, dirigées par des bénévoles, préparent des trousses contenant des protège-dessous, des serviettes hygiéniques, un gant de toilette, un petit pain de savon, des sous-vêtements, un sac pour transporter le tout, une carte expliquant comment utiliser la trousse ainsi qu’une autre carte permettant de suivre le cycle menstruel. Days for Girls a mis au point une serviette hygiénique lavable et réutilisable, permettant d’utiliser chaque trousse pendant trois ans.
Un rapport de l’UNESCO estime que 10 pour cent des filles en Afrique subsaharienne s’absentent de l’école pendant leurs cycles menstruels. Dans certains pays, ce taux grimpe à 50 pour cent. Globalement, Days for Girls soutient que 500 millions de filles sont contraintes de rater l’école ou le travail (et leur salaire) en raison du manque de produits menstruels adéquats. « C’est un chiffre ahurissant! », commente Linda Di Ianni, ancienne présidente du District 37 et coprésidente de la section locale de Days for Girls. Elle a fait des présentations à des clubs philanthropiques et à des groupes confessionnels afin de sensibiliser le public à ce problème et obtenir des fonds pour le combattre.

Les efforts communautaires incluent un partenariat avec un magasin d’aubaines de l’Armée du Salut à Norwich, afin d’obtenir des articles invendus pour les trousses. La section locale est aussi en contact avec le programme pour les jeunes Upper Deck de Norwich pour aider à emballer les trousses qui sont expédiées à l’étranger par Vision Mondiale Canada et par la Canadian Economic Development Assistance for South Sudan.
À ce jour, Days for Girls a rejoint plus de trois millions de filles, afin qu’elles puissent continuer d’aller à l’école dans des conditions d’hygiène et de dignité. Beaucoup de filles ne sont pas informées sur les menstruations, ou croient à tort à des tabous et à des mythes sur ce sujet, faisant en sorte qu’elles ont honte de leur corps. Days for Girls vise également à éliminer la stigmatisation et propose une formation pour aider les bénévoles à dispenser une éducation sur l’hygiène menstruelle.
Chaque trousse coûte seulement environ 20 $. Mme Di Ianni estime que cet investissement modeste génère des résultats convaincants non seulement pour les bénéficiaires, mais aussi pour leurs familles et leurs communautés. « Si vous ratez trois, cinq ou sept jours d’école par mois, cela a un effet pervers, ajoute-t-elle. Les filles abandonnent l’école, et voient leurs rêves et leurs ambitions s’envoler. L’éducation est la clé pour réduire la pauvreté, promouvoir le développement social et économique et arriver à l’égalité des sexes. »

À partir de la gauche, Mathilde Ducharme-Gauthier, École Secondaire Publique Mille-Îles, qui a fait du bénévolat au Providence Care Hospital; et Lorraine Kenney.
Soutenir les liens intergénérationnels
Lorsque Juanita Everett avait 16 ans à la fin des années 1960, elle travaillait comme bénévole dans un centre de réadaptation et de soins de longue durée à Toronto. Elle y a rencontré beaucoup d’adultes plus âgés qui étaient soit résidents ou en convalescence, et soutient qu’ils ont toujours apprécié son attitude positive. « J’étais pleine d’entrain! »
Plus encore, ces personnes plus âgées étaient reconnaissantes qu’une adolescente ait choisi de venir les aider. « J’écoutais sans les juger, c’était très gratifiant », se souvient Mme Everett.
Aujourd’hui, elle est secrétaire du District 20 Frontenac, Lennox et Addington. Sous sa présidence, le district a créé une bourse d’études pour des étudiants du secondaire démontrant un intérêt marqué dans leurs interactions avec la communauté des aînés.
La bourse d’études Les Forkes Memorial Intergenerational Leadership Scholarship a été créée en l’honneur d’un éducateur passionné et leader actif dans la région de Kingston. M. Forkes a pris sa retraite comme directeur de l’école publique R.G. Sinclair Public School de Kingston, une institution qu’il a fréquentée dans son enfance et où il a commencé sa carrière d’enseignant de 32 ans. M. Forkes est décédé en 2021 alors qu’il était président sortant du District 20.
Les critères d’attribution de la bourse sont intentionnellement larges, afin d’encourager le plus grand nombre possible d’intérêts, notamment en médecine, gérontologie, technologie et sociologie. « Nous avons voulu laisser une chance à tous », explique Mme Everett.
Deux bourses de 1 000 $ chacune sont remises chaque année. Contrairement à la plupart des bourses, elles ne sont pas attribuées en fonction des résultats scolaires, mais de l’engagement à long terme envers les aînés. Les candidats expliquent ce qu’ils ont appris lors de leur implication auprès des aînés, ainsi que leur engagement à travailler au sein de cette communauté à l’avenir.
À ce jour, les six lauréats de la bourse ont fait du bénévolat dans des hôpitaux locaux, des résidences pour aînés, des établissements de soins de longue durée ainsi que des hospices. Mme Everett précise que les candidats recherchés ne se limitent pas à faire les heures de bénévolat obligatoires prévues au secondaire. Ils poursuivent des études supérieures dans le domaine de la santé et des soins infirmiers et ont exprimé le souhait de travailler avec des adultes plus âgés après l’obtention de leur diplôme.
Même si les bourses favorisent l’engagement communautaire, la composante intergénérationnelle est particulièrement importante, explique Mme Everett, car les gens vivent de plus en plus en vase clos, alors que les jeunes et les aînés évoluent souvent dans deux mondes différents. Nous devenons plus forts lorsque les deux groupes s’impliquent et se soutiennent. C’est le cas du bénévolat, de la collaboration à des projets et à des causes, ou du simple fait de se rencontrer. Tout revient au concept de communauté en tant que fraternité; nous sommes tous concernés.
Les liens intergénérationnels peuvent s’avérer le fondement de relations familiales et même communautaires plus solides. « J’essaie de faire en sorte que mes petites-filles démontrent de la gratitude, explique Mme Everett. Au contact avec un adulte plus âgé, on peut devenir une petite personne gentille et généreuse. »
« Ce n’est qu’une des façons de faire tomber les barrières entre les groupes, continue-t-elle. En respectant nos différences, en rencontrant chaque personne dans son milieu de vie et en tenant compte de tous les gens qui nous entourent, la communauté s’en trouve améliorée. »