Peu importe que le Canada soit le pays où vous êtes né ou encore votre patrie d’adoption par choix ou en raison des circonstances, nous sommes unis dans une recherche sans fin pour définir notre caractère national. Cherchez « Identité canadienne » dans L’Encyclopédie canadienne, et même cette source faisant autorité s’interroge sur le sujet. La première phrase met la table : « Ce qu’être Canadien signifie a toujours été une question controversée. Certains placent cette interrogation au cœur même de l’identité canadienne. Les Canadiens n’ont jamais atteint même l’ombre d’un consensus sur une conception unifiée et unique de leur pays. »
Peut-être que nous n’y arriverons pas non plus, mais nous avons demandé à trois membres de RTOERO de réfléchir à cette question canadienne assez déroutante.

Une nation d’immigrants
Dans le Canada, les parents de Stella Sinclair ont trouvé un pays d’abondance. Ils ont tous deux immigré de Pologne après la Seconde Guerre mondiale – son père, Stan Turczynski, en 1947, et sa mère, Stephanie Szczygielski, un an plus tard. Ce qui les a frappés dès leur arrivée? « La profusion de biens disponibles, indique Mme Sinclair (District 8 London, Middlesex). Ils étaient tout simplement stupéfaits de l’abondance de nourriture. »
Stan fut embauché comme bûcheron dans le nord de l’Ontario avant de s’installer à Oakville, où il a travaillé dans une fabrique de paniers. C’est là qu’il a rencontré Stephanie, qui était la femme de ménage du propriétaire de l’usine. Ce dernier avait demandé à Stan de l’aider à communiquer avec elle et lui avait dit : « Parle-lui, car je ne comprends pas le polonais », raconte Mme Sinclair.
Stan et Stephanie se sont mariés en juin 1949. Leur première fille, Stella, fut suivie d’une deuxième, puis d’un fils. Le couple a aussi parrainé des membres de leur famille immédiate pour qu’ils les rejoignent au Canada. « Ils étaient tous enthousiastes à l’idée de venir ici, et d’avoir l’opportunité d’occuper un emploi et de commencer une nouvelle vie », se souvient Mme Sinclair.
La famille étendue s’est installée à Oakville, où Stan a mis sur pied un club polonais qui organisait des danses et des pique-niques tous les dimanches. Stella vivait entourée de la communauté polonaise. « C’est seulement à l’école secondaire que j’ai pris conscience de la culture canadienne. » Pourtant, ses expériences familiales – et l’histoire de l’immigration de chaque famille – font partie de cette culture.
Le Canada a toujours été une nation façonnée par l’immigration. Le recensement de 2021 a révélé que 23 pour cent de la population canadienne sont des immigrants. C’est le pourcentage le plus élevé depuis la Confédération, et même parmi les pays du G7. Selon Statistique Canada, l’immigration représentera la totalité de la croissance démographique d’ici 2032, alors que la société canadienne continuera de vieillir.
C’est aussi un élément majeur de notre économie et de notre progrès. Statistique Canada indique aussi qu’environ 55 pour cent des immigrants récents et 40 pour cent des immigrants de longue date détiennent un baccalauréat ou un diplôme de niveau supérieur, comparativement au tiers des personnes nées au Canada âgées de 25 à 34 ans et au quart des personnes nées au Canada âgées de 35 à 64 ans.
Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, les immigrants représentent 32 pour cent de tous les propriétaires d’entreprises avec un personnel rémunéré, un travailleur sur quatre du secteur de la santé et plus d’un tiers des personnes en recherche et développement scientifiques.
Étant Canadienne de première génération, Mme Sinclair apprécie la détermination démontrée par ses parents et sa famille pour s’installer et faire leur vie au Canada. « Ils étaient mes modèles. Ils ont travaillé dur. Leur intégration dans la société canadienne fut positive pour chacun d’eux. »
L’immigration reste-t-elle un atout pour le Canada? « Certainement », répond Mme Sinclair. Pour elle, le mot décrivant le mieux le Canada est « opportunité ».
« Tant la géographie que l’histoire de chaque pays sont uniques, et trois aspects de celles-ci jouent un rôle déterminant dans la formation de la psyché canadienne. » —Allan Tupper
Unis par nos différences
Tant la géographie que l’histoire de chaque pays sont uniques, et trois aspects de celles-ci jouent un rôle déterminant dans la formation de la psyché canadienne, soutient Allan Tupper (District 42 Mainland British Columbia).
Premièrement, notre diversité. C’est une caractéristique déterminante, et pas seulement en matière de population, explique M. Tupper, qui vit à Vancouver et a enseigné les sciences politiques à l’Université de la Colombie-Britannique et à l’Université de l’Alberta. Le Canada étant un pays immense, son territoire et son économie sont aussi incroyablement diversifiés. Tout cela se traduit par des caractéristiques et des identités régionales et provinciales/territoriales distinctes. Comme il le fait remarquer, des milliers de kilomètres vous séparent de vos voisins canadiens. Nous comptons six fuseaux horaires. Les dimensions de cette diversité peuvent ajouter une richesse mais, d’une certaine façon, elles nous éloignent les uns des autres. Nous sommes unis par nos différences. « Je pense que cela fait partie de l’identité canadienne », commente M. Tupper.
Deuxièmement, nos centres de population. En nous déplaçant d’est en ouest, même si l’on compte environ 7 500 kilomètres entre St. John’s (Terre-Neuve) et Victoria (Colombie-Britannique), nous sommes également soumis à une forte pression nord-sud. Le gouvernement du Canada signale que deux Canadiens sur trois vivent à moins de 100 kilomètres de la frontière américaine. Nous sommes les voisins d’une superpuissance qui, comme le souligne M. Tupper, fixe des normes culturelles et économiques à bien des égards. « Cela façonne tout ce que nous faisons. » Il s’agit notamment d’encourager le développement d’institutions qui soulignent notre spécificité, comme la Société Radio-Canada. Nous sommes peut-être dans le pôle d’attraction de notre énorme voisin du sud, mais nous combattons également cette réalité. « Cela permet aux Canadiens d’être fiers de leur spécificité. »
Troisièmement, la réconciliation avec les peuples autochtones. Nous avons tous été soumis à l’héritage du colonialisme et à la façon dont les peuples autochtones ont été traités par le passé, indique M. Tupper. S’il est vrai que nous devons enseigner aux Canadiens cette histoire et son impact au fil des générations, l’action est encore plus importante que l’éducation. Cela implique des investissements réels, une redistribution des revenus et de la détermination. « Nous devons être prêts à envisager l’avenir en partenariat avec les peuples autochtones. Cela prendra du temps, mais ce sera une autre force de notre identité canadienne. »
Définir l’esprit canadien
Dans un sondage, nous avons demandé aux membres ce que signifie être canadien. Voici ce qu’une douzaine d’entre vous ont répondu :
« Être gentil avec les personnes dans le besoin, accueillir les réfugiés, accepter les gens pour ce qu’ils sont. » –Susan Irons-Ware (District 22 Etobicoke and York)
« Respecter les autres. » –Al Houstoun (District 2 Thunder Bay)
« Lire nos écrivains, écouter nos musiciens, célébrer nos militants. » –Sue Hoffele (District 11 Waterloo Region)
« Être l’agent du changement que vous désirez dans votre communauté. » –Mary Ann Wright (District 8 London, Middlesex)
« Estimer et accepter les autres, et travailler à un objectif commun qui favorise la bonté et la gentillesse. » –Alina Galica (District 16 City of Toronto)
« Vivre dans un bon pays qui nous a sauvés des nazis, ma famille et moi. » –Amelie Koning (District 19 Hastings and Prince Edward)
« Être libre de profiter de ma retraite dans un pays en paix. » –Susan Andrew (District 24 Scarborough and East York)
« Connaître le Canada, y voyager et encourager tous les Canadiens à mieux connaître leur pays. » –Marlene Picard (District 29 Lanark)
« Nous vivons dans un pays extrêmement beau, sécuritaire et paisible, où nous sommes libres d’être nous-mêmes. » –Janet Knight (District 17 Simcoe County)
« Accepter les autres, peu importe d’où ils viennent, défendre les personnes dans le besoin et donner l’exemple d’une vraie démocratie politique. » –Mary Ellen Lawless (District 23 North York)
« La liberté de voter, de pratiquer sa religion à l’endroit choisi, d’avoir une vocation enrichissante, de me sentir en sécurité chez moi et dans ma communauté, de profiter de la beauté de notre monde naturel. » –Marjorie Snyder (District 11 Waterloo Region)
Un sens Communautaire
Si le Canada a une personnalité, c’est d’être « vibrante et optimiste », soutient Zandra Zubac (District 4 Sudbury, Manitoulin). Elle estime que nous sommes des gens souriants, reconnaissants de ce que nous avons reçu, et que nous démontrons un esprit de collaboration. Pourquoi? Peut-être en raison du climat, de la taille et de la diversité de notre pays, dit-elle. « Nous devons nous entendre. »
Pensez-y un instant. Pendant des siècles, nous avons vécu à proximité les uns des autres, cherchant à survivre dans un climat rude. Notre population est relativement restreinte, éparpillée sur un territoire immense, et composée de gens venus de partout. Selon Mme Zubac, nous avons donc trouvé des façons de coexister, en étant sensibles à la fois à nos différences et à nos expériences communes, en mettant l’accent sur la communauté plutôt que sur l’individu.
Mme Zubac a grandi à Levack, en Ontario, une petite ville minière au nord-ouest de Sudbury. Lorsqu’elle voyage au Canada et aux États-Unis, elle constate une différence entre les deux pays. Ici, l’éthique du « vivre ensemble » se traduit notamment par nos programmes sociaux et nos soins de santé universels. Évidemment, nous les payons par nos impôts plus élevés, mais cela couvre les besoins fondamentaux. « Je peux consulter un médecin, passer une radiographie ou faire une analyse sanguine sans avoir à débourser quoi que ce soit, dit-elle. C’est facile de vivre au Canada. »
Vous voulez avoir une impression du Canada? Écoutez Gordon Lightfoot, suggère Mme Zubac. « Sa musique concentre le meilleur de la culture, du pays et du peuple canadiens. » Elle commence alors à chanter quelques lignes de Canadian Railroad Trilogy de Lightfoot : « There was a time in this fair land when the railroad did not run/When the wild majestic mountains stood alone against the sun. »
« On peut entendre le train qui avance poussivement, la persévérance », explique Mme Zubac. Puis elle chante encore quelques lignes : « Behind the blue Rockies the sun is declinin’/The stars they come stealin’ at the close of the day. » « Cette strophe évoque notre nature majestueuse », ajoute-t-elle.
Un jour, quelqu’un a demandé à Gordon Lightfoot comment il voulait que l’on se souvienne de lui. « J’aimerais laisser un emplacement de camping propre », a-t-il répondu. Quel sens pour Mme Zubac? « Cela signifie être un humain décent, ne pas laisser son empreinte carbone et respecter les autres. Je crois que c’est typiquement canadien. »
12 QUESTIONS POUR Découvrir l’âme du Canada :
Comment le fait d’être Canadien influence-t-il votre façon de voir le monde?
« J’ai toujours vu le monde avec optimisme, fierté, joie, et avec la conviction qu’en travaillant ensemble nous pouvons accomplir de grandes choses. »
–Zandra Zubac
Qui est votre héros canadien de tous les temps et pourquoi?
« Terry Fox et Rick Hansen. Leur détermination et leurs luttes physiques ont inspiré tellement de personnes à se dévouer et à travailler dur en faveur d’une cause spécifique. »
–Stella Sinclair
Quelle est la plus grande contribution faite au monde par des Canadiens?
« Le concept et la pratique du maintien de la paix. »
–Allan Tupper
Qu’est-ce que le reste de la planète ne comprend pas concernant le Canada?
« Les gens interprètent notre gentillesse comme un signe de faiblesse ou de crédulité. »
–Zandra Zubac
Si le Canada avait une mascotte (autre que le castor), quelle serait-elle?
« L’ours polaire. »
–Allan Tupper
Quelle odeur ou quel parfum vous rappelle instantanément le Canada?
« Les feuilles et les aiguilles de pin dans la forêt en fin d’été ou début d’automne. »
–Allan Tupper
Quel temps ou quelle saison représente le mieux le Canada selon vous?
« Le printemps. L’excitation et l’émerveillement de voir la terre nous offrir sa beauté et sa vitalité, en parallèle à la croissance de notre pays. »
–Stella Sinclair
Si le Canada était un animal, lequel serait-il et pourquoi?
« Un orignal – beau et majestueux, à l’aise sur la terre comme dans l’eau, capable de vivre en forêt ou en terrain rocheux, et paisible tant qu’il n’est pas dérangé. »
–Zandra Zubac
Si vous pouviez changer une chose à propos du Canada, qu’est-ce que ce serait?
« Changer le système électoral du Canada pour passer du scrutin majoritaire à un tour à une sorte de représentation proportionnelle. »
–Allan Tupper
Quelle valeur canadienne devrait être exportée à d’autres pays?
« Notre attitude de gentillesse, de tolérance et de détermination. »
–Stella Sinclair
Si vous pouviez créer un nouveau jour férié au Canada, quel serait-il?
« La Journée nationale de célébration du sport et des arts. » –Zandra Zubac
Si le Canada était invité à un dîner, qu’apporterait-il?
« Un sourire sincère. »
–Stella Sinclair