La vie après le travail : qui suis-je maintenant?

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Pendant 35 années comme conseillère en gestion de patrimoine, Susan Latremoille a aidé les gens à planifier leur retraite. L’accent était mis sur la sécurité financière. Mais à mesure que ses clients abordaient cette nouvelle étape de leur vie, Mme Latremoille constatait qu’ils étaient souvent confrontés à un autre problème essentiel.

« Beaucoup de clients avaient suffisamment d’argent pour prendre leur retraite, mais éprouvaient des difficultés à se définir sur le plan personnel », explique-t-elle.
À sa retraite, Mme Latremoille avoue avoir « tourné en rond » avant de s’associer dans une nouvelle entreprise appelée Next Chapter Lifestyle Advisors (nextchapterlifestyleadvisors.com). Elle aide désormais les gens à profiter au maximum de leur retraite en les épaulant pour déterminer leurs priorités et leurs motivations.

Mme Latremoille préfère le verbe « se réorienter » à l’expression « prendre sa retraite », puisqu’il s’agit d’une période de redécouverte.

Laisser tomber le masque de sa carrière n’est pas toujours facile. Lorsque l’on demande à des adultes « Que faites-vous dans la vie? » ou à des enfants « Que veux-tu faire quand tu seras grand? », ces questions ne portent pas sur leurs valeurs personnelles, leur vie de famille ou leurs loisirs. Elles portent sur la carrière.

« Notre identité et notre estime de soi se définissent principalement en fonction de notre activité professionnelle, laquelle constitue une grande partie de la façon dont nous nous voyons », explique Suzanne Latremoille, coauteure de Thriving Throughout Your Retirement Transition.

Nous sommes mesurés en fonction de notre occupation, ce qui généralement signifie un travail rémunéré. « C’est dans notre culture », explique Michelle Silver, professeure agrégée au Département de la santé et de la société de l’Université de Toronto et auteure de Retirement and Its Discontents.

Beaucoup d’entre nous accordent une grande importance à leur identité professionnelle. Évidemment, nous pouvons nous épanouir dans beaucoup d’autres domaines, mais le travail constitue souvent le terreau le plus fertile de notre satisfaction personnelle. Et ce n’est pas étonnant : c’est là que nous trouvons un sens, une fierté, une structure, un réseau social, des tâches et des objectifs clairs, ainsi que l’approbation d’autrui. Nous nous alimentons de cette satisfaction, huit heures ou plus par jour, semaine après semaine, année après année, pendant des décennies.

Illustrations by Gracia Lam

« L’ego personnel joue aussi un grand rôle », explique Anna Harvey, spécialiste de la transition à la retraite, à Victoria, en Colombie-Britannique. « Notre contribution à la société est tellement valorisée que les gens sont disposés à nous payer. »

Les différentes étapes de la vie peuvent susciter une interrogation comme « Et quoi, maintenant? », mais la plus grande prise de conscience se produit peut-être surtout lorsque notre titre disparaît, que nous cessons d’exercer une profession ou que notre carte professionnelle n’est plus qu’un bout de papier.

« Nous devons généralement arriver au pied du mur pour faire ce genre d’autoréflexion », indique Mme Harvey.

Mme Silver, qui étudie les perceptions sur le vieillissement et la retraite, constate que les retraités sont souvent considérés comme étant moins utiles. Elle a interrogé des gens qui disent que leur petite fête de départ à la retraite ressemblait plutôt à des funérailles. La retraite est une expérience personnelle, mais aussi un phénomène social. « Et la société a incroyablement tendance à faire preuve d’âgisme », ajoute-t-elle.

Ce n’est pas tout le monde qui subit une crise d’identité à la retraite. Mais peu importe, la retraite se veut l’occasion parfaite pour faire un peu d’introspection. Qui êtes-vous, et que voulez-vous être pendant cette étape de votre vie?

Avoir un objectif
« Les baby-boomers ont toujours contesté le statu quo, et la retraite n’est pas différente », explique Jennifer Rovet, accompagnatrice certifiée pour la retraite à Toronto. « Ils ne veulent pas la même retraite que leurs parents ou leurs grands-parents. »

Alors, que désirent-ils?

Un récent rapport de la société de courtage Edward Jones et d’Age Wave, une firme d’experts-conseils axée sur les effets du vieillissement de la population, s’est appuyé sur un sondage mené auprès de 9 000 adultes au Canada et aux États-Unis. Selon ce rapport, quatre facteurs contribuent à redéfinir cette nouvelle époque en matière de retraite :

• Les gens vivent plus longtemps.
• On compte plus de retraités que jamais, et ce nombre ne cesse d’augmenter.
• À notre époque, les retraités veulent être plus actifs et impliqués.
• Contrairement aux générations précédentes, ils trouvent plus de moyens de façonner leur retraite en fonction de leurs besoins et de leurs attentes.

Parmi les Canadiens interrogés, seulement 25 pour cent envisageaient la retraite comme une période de repos et de détente. Deux fois plus, soit 51 pour cent, la voyaient plutôt comme un nouveau chapitre. Dix-neuf pour cent estimaient que la retraite ne changerait pas grand-chose à leur vie, tandis que 5 pour cent la considéraient comme étant le début de la fin.

Pour bien vivre cette retraite réinventée, l’étude a identifié quatre facteurs interdépendants : la santé, les finances, la famille et l’objectif.

Une bonne santé, physique et financière, favorise de nombreuses activités. Mais comme le souligne le rapport, les relations sociales et le sentiment d’avoir un objectif peuvent entraîner des répercussions extrêmes sur la santé. La famille est souvent le facteur le plus important en matière d’objectif. Les coûts des soins de santé sont une source de préoccupation financière. Et le stress financier peut avoir un impact sur la santé.

Parmi les quatre facteurs, l’objectif pourrait être le plus déterminant. D’après une étude qui a suivi 7 000 aînés pendant plus d’une décennie, les retraités qui sont motivés par un objectif fort sont non seulement plus heureux, mais vivent aussi plus longtemps.

« La personne que vous êtes peut être celle que vous avez toujours été; vous avez maintenant le temps d’en tirer le meilleur parti. »

Dans l’enquête Edward Jones/Age Wave, les retraités canadiens ont lié le fait d’avoir un objectif à passer du temps avec leurs proches, redonner à la communauté, avoir des activités intéressantes, atteindre des objectifs et s’amuser.

Une autre réponse, plus philosophique, a suscité les plus hauts suffrages : sept personnes interrogées sur dix ont déclaré qu’avoir un objectif allait de pair avec le fait d’être fidèle à soi-même. Donc, revenons-en à la grande question : qui êtes-vous?

« La retraite peut être passionnante. Pour la première fois, vous avez le temps et les ressources nécessaires pour faire ce que vous voulez, avec les autres et par vous-même, pour créer et trouver cette nouvelle identité », commente Jennifer Rovet.

Et vous devriez. Une étude de 2021 publiée dans l’International Journal of Aging and Human Development s’est penchée sur l’expérience des retraités canadiens. On constate que le fait d’avoir une identité équilibrée face à des changements liés à l’âge est associé à des niveaux plus élevés de bien-être physique et psychologique.

Rédiger votre propre histoire
Se sentir incertain de son identité après avoir mis fin à sa carrière peut être déstabilisant.

« Nous savons qui nous sommes intérieurement et nous ne voulons pas bousculer cette certitude », explique Mme Harvey.

Kathryn Fahey, accompagnatrice exécutive et de transition vers la retraite, à Kelowna, en Colombie-Britannique, ajoute que « le mot “objectif” effraie les gens. On oublie que ce terme ne fait que donner un sens à notre vie. »

Cet objectif n’a pas besoin de prendre la forme d’une quête. Redécouvrir une passion perdue depuis longtemps, s’occuper de ses petits-enfants, faire du bénévolat, entreprendre une nouvelle carrière ou un emploi à temps partiel, entrer en contact avec des gens ou s’impliquer dans une cause, faire preuve de gentillesse – la notion d’objectif ne se limite pas à une seule chose, mais peut être n’importe quoi.

Selon Suzanne Latremoille, vous devez trouver vos objectifs essentiels, tout comme ceux qui le sont moins.

Ce qui rend une retraite épanouie a été le thème d’un livre blanc de RTOERO intitulé 5 façons de planifier votre retraite… sans inclure l’aspect financier. Le document notait que les deux questions les plus fréquentes lors de la planification de la retraite sont « Combien d’argent me faut-il? » et « Pour combien d’années? » (Vous pouvez télécharger le livre blanc sur rtoero.ca/fr/cinq-facons-de-planifier-votre-retraitesans-inclure-laspect-financier/)

« La réponse à la première question dépend de votre mode de vie, et la réponse à la seconde du nombre d’années que vous allez vivre. Mais les vraies questions à un million de dollars ne nécessitent pas de calculatrice. Elles sont plus profondes, et portent sur la façon dont vous voulez utiliser votre temps, pas votre argent », constate le livre blanc.

Pour répondre à « Qui suis-je? », le document suggérait plutôt de se poser d’autres questions :

• Quelles nouvelles actions positives puis-je entreprendre?
• Ai-je envie d’apprendre de nouvelles choses?
• Quelles nouvelles expériences ai-je envie de vivre?
• Quelles sont les relations sur lesquelles je veux me concentrer et que je veux développer?
• Que regretterais-je de ne pas avoir fait ou essayé?
• Quel impact ai-je sur les gens et le monde qui m’entourent?
• Dans quel domaine ai-je de véritables aptitudes?
• De quelle manière souhaiterais-je organiser mon temps?
• Quel est mon objectif numéro un en ce moment?
« Les choses que vous avez toujours aimées ou qui vous ont attiré sont les “repères” qui marquent votre parcours lors de la retraite », dit Anna Harvey. La personne que vous êtes peut être celle que vous avez toujours été; vous avez maintenant le temps d’en tirer le meilleur parti.

Une autre approche consiste à imaginer (ou même à rédiger) votre propre éloge funèbre, indique Stefa Katamay, consultante en transition de vie à Victoria, en Colombie-Britannique. « Nous n’accordons pas assez d’attention à vivre nos vies en fonction de la façon dont on veut que les gens se souviennent de nous », constate-t-elle. Travaillez donc à contre-courant, pour justifier l’éloge funèbre que vous voulez.

« L’image que l’industrie de la retraite nous donne d’une vie de loisirs n’est qu’un aspect d’une retraite heureuse et peut perdre rapidement de son éclat », dit Suzanne Latremoille. Alors, créez votre propre identité de retraite.

« Même le qualificatif de “retraité” pourrait ne pas vous convenir, indique Stefa Katamay. Sur le plan étymologique, le mot “retraite” signifie littéralement “action de se retirer”, ce qui ne décrit pas les réalités de cette étape de la vie. Lorsque le travail prend fin, la réponse à la question “Que faites-vous?” n’est pas “Je suis à la retraite”. »

« Cela ne dit rien sur qui vous êtes. C’est seulement un état d’être », explique Mme Katamay.

Alors, à nouveau : qui êtes-vous? À la retraite, ou à n’importe quelle période de la vie, Mme Katamay préfère la question en espagnol « ¿A que tú dedicas? » : À quoi vous consacrez-vous?

« Que défendez-vous? Qu’est-ce qui vous fait sortir du lit? Qu’est-ce qui vous motive? Pour tout ce qui tourne autour du “Que faites-vous dans la vie?”, un changement de société doit se produire, affirme Mme Katamay. Avoir quelque chose à faire n’est pas la même chose qu’avoir un objectif. »

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