Pour beaucoup de Canadiens âgés, la retraite ne signifie pas la fin du travail. Un nombre croissant de retraités, et notamment d’enseignants, choisissent plutôt de réintégrer le marché du travail dans des postes nouveaux et différents.
En 2023, le Sondage auprès des futurs retraités effectué par RTOERO révèle que plus de la moitié des enseignants et des administrateurs scolaires prévoient travailler à temps partiel ou à temps plein dans les cinq années suivant leur départ à la retraite. Il ne s’agit pas seulement d’un besoin de revenus supplémentaires. « Les gens ne veulent pas cesser de travailler, indique Jim Grieve, directeur général de RTOERO. Ils veulent avoir plus de contrôle sur leur travail – flexibilité, liberté, nouveauté – et c’est quelque chose que la retraite peut leur offrir. »
Caption: Photo d’un arrangement préparé par Mme Broer pour un défunt amateur de golf, et Mme Broer en célébrante.
Carol Broer (District 13 Hamilton Wentworth, Haldimand) fait remarquer que les enseignants ont tendance à prendre leur retraite plus tôt. « J’ai su très tôt que je voulais m’investir dans quelque chose, dit-elle. Je voulais rester en contact avec les gens et utiliser mes habiletés et mes capacités pour développer des liens significatifs. Voilà pourquoi j’ai décidé de faire autre chose que seulement du golf. »
Pour Mme Broer, la flexibilité est prioritaire. Enseignante à la retraite ayant connu une carrière très variée, dont 17 années en tant que spécialiste en musique, elle est aujourd’hui célébrante de funérailles à son compte. « Mon emploi du temps ne dépend plus de personne, déclare-t-elle. C’est la beauté de la chose. En quittant l’enseignement, vous pouvez créer votre propre emploi du temps. »
Par l’entremise de ses services, Mme Broer est déterminée à présenter les histoires personnelles uniques des personnes décédées. « J’ai assisté à tellement de funérailles ratées, révèle-t-elle. De bonnes funérailles racontent une histoire et tiennent compte des personnes présentes pour dire au revoir et honorer cette vie vécue. »
Même avant la retraite, Mme Broer cherchait à entrer en contact de façon significative avec les gens. Après avoir entendu parler des célébrants de funérailles par l’entremise d’un ami, elle s’est renseignée sur cette carrière et a suivi une formation. « Ayant déjà l’expérience de parler en public, je pouvais donc intégrer mes habiletés dans ce rôle », ajoute-t-elle.
Démarrer à son propre compte a été une « excellente courbe d’apprentissage », dit-elle, mais elle s’est rapidement adaptée étant donné la flexibilité acquise en enseignant. « J’ai appris à me faire confiance. La transition vers ce nouveau rôle aurait été plus difficile si j’avais pris moins de risque en tant qu’enseignante. » Elle mise sur ses talents d’empathie, d’organisation et de communication acquis dans l’enseignement pour aider les familles à traverser des périodes de vulnérabilité en créant un service commémoratif personnalisé – qui ressemble davantage à une célébration de la vie qu’à des funérailles traditionnelles – qu’elle anime comme un ecclésiastique, mais d’une façon non confessionnelle et sans ordination.
Mme Broer vise un grand objectif pour l’avenir : élargir la compréhension du rôle des célébrants de funérailles au Canada et offrir un jour son propre programme de formation. « C’est assez nouveau. Ce n’est pas pour tout le monde, mais [les gens] ne savent pas que cela existe. » Elle ajoute : « La plupart des personnes se demandent ce que vous faites exactement. Lorsque j’en parle, ils répondent : “Hé, c’est tellement intéressant et important.” » Elle conseille aux enseignants retraités depuis peu de tenir compte de l’ensemble de leurs habiletés. « Qu’est-ce qui vous fait plaisir, qui vous apporte de la satisfaction, du sens et qui a un impact? Peu importe ce que c’est, vous devez continuer. »
Jason Abbott, conseiller financier à Toronto et président de wealthdesigns.ca, donne deux raisons pour lesquelles les gens reviennent sur le marché du travail plus tard dans leur vie. La première est d’ordre financier : il se peut que l’épargne soit insuffisante, explique-t-il, et le fait de travailler permet de gagner du temps pendant que l’épargne fructifie.
L’autre raison est d’ordre personnel. « Les gens ont besoin de s’occuper », explique M. Abbott. Si certains aiment leur milieu de travail, leurs collègues et leur routine, d’autres recherchent quelque chose de différent à la retraite. Dans le secteur de l’éducation, ses clients ont donné des cours particuliers ou ont suivi des cours d’écriture, un choix tout naturel pour les enseignants.
Caption: Ron Finch in front of a storyboard of some of the characters in his novels.
Parlez-en à Ron Finch (District 9 Huron-Perth). « J’estime qu’on n’est jamais trop vieux pour se lancer dans un nouveau projet, à condition d’être en bonne condition physique et mentale. L’âge n’est pas un prétexte, précise-t-il. » Après avoir passé l’essentiel de sa carrière comme enseignant et directeur d’école secondaire à Listowel, en Ontario, entre les années 1960 et 1990, il est devenu agent immobilier pendant 27 ans et a pris sa retraite en 2017 à l’âge de 75 ans.
Assis sur sa galerie, il a réfléchi à ce qu’il allait faire. « J’avais peut-être pris ma retraite, mais j’étais loin d’avoir fini de travailler, raconte M. Finch. C’est alors que mon ambition secrète est revenue à la surface. Je me suis demandé si je pouvais écrire un roman. Le 6 août 2017, j’ai décidé d’écrire un livre. »
La première semaine, il a écrit pendant 75 minutes au total. La semaine suivante, 490 minutes. Il a consigné ses écrits quotidiens jusqu’à avoir fini son premier livre, Lightning at 200 Durham Street, son roman policier initial sur Joel Franklin. L’intrigue? Nous sommes en 1928, la Prohibition est terminée, la Grande Dépression est à nos portes et The Jazz Singer – le premier film parlant – vient de sortir sur les écrans. Mais quelque chose ne tourne pas rond dans la petite ville de Chaseford en Ontario.
Dans une cabane isolée dans les bois, Joel Franklin, un détective amateur de 17 ans, et ses amis sont tombés sur un crime trop important pour que le chef Petrovic et ses policiers se chargent de le résoudre. Alors que l’enquête criminelle s’étend aux villes voisines, une violente tempête électrique s’abat sur la paisible petite communauté, dévoilant de nouveaux mystères et semant la destruction sur son passage.
Au cours des six années écoulées depuis sa retraite et consacrées à l’écriture à plein temps, M. Finch a écrit et publié à compte d’auteur un peu plus de 50 romans de la série Joel Franklin, dont 13 sont actuellement offerts sur Amazon et dans une librairie locale. Son quatrième livre, The Deadly Secret, vient d’arriver sur Amazon. « Trente-six autres manuscrits sont sur mes étagères, prêts à partir. Mais j’aime beaucoup plus écrire que réviser et je ne suis pas doué pour l’autopromotion. » Deux romans à venir, The Journey et Dr. Shitz and the Wayward Ghost, ne font pas partie de la série Joel Franklin.
La plupart des livres de M. Finch prennent place dans le sud-ouest de l’Ontario : London, Stratford (« Chaseford » dans sa série) et ailleurs. Mais ce n’est que de la fiction, malgré quelques clins d’œil à la vie réelle. « Vous écrivez sur ce que vous connaissez, ajoute-t-il. Qu’ils le veuillent ou non, les écrivains se révèlent dans leurs écrits, peu importe qu’il s’agisse de fiction ou non. »
Pour M. Finch, l’écriture a des similarités avec l’enseignement. Les enseignants présentent un récit, que ce soit en corrigeant des copies, en élaborant des plans de cours ou en effectuant des recherches. « La principale différence est la confiance en soi que l’on acquiert », répond M. Finch lorsqu’on lui demande ce qui le motive. Le fait d’avoir dévoré des livres dans sa jeunesse n’y est pas étranger. « Ma mère a commencé à m’emmener à la bibliothèque quand j’avais trois ans », ajoute-t-il.
Comment arrive-t-il à produire un tel volume de travail? « Il faut vouloir s’asseoir et être prêt à se concentrer. J’ai la chance d’être capable de faire cela. » À l’heure actuelle, l’un de ses fils lit et révise tous ses manuscrits. M. Finch vise surtout à trouver un éditeur et un agent capables de diffuser ses livres à un public plus large.
« On peut gagner de l’argent, c’est mon cas, mais pas tant que cela », précise-t-il. Entre-temps, il s’est constitué un public. « Des gens me demandent quand sera publié mon prochain livre. Une femme m’en a voulu parce qu’elle croyait que je publierais un livre par mois. »