J’ai eu beaucoup de chance. Beaucoup de pilotes de Spitfire ont été tués. J’étais toujours en mouvement pendant la guerre. Après six années, j’ai été démobilisé et j’ai eu un travail à Londres. Mais je n’arrivais pas à rester en place. Un jour, j’ai vu un panneau qui disait « Venez en Ontario ». Je suis entré, me suis inscrit, et me suis trouvé de nouveau en mouvement.
J’ai eu du mal à trouver un travail, car après la guerre il n’y avait pas beaucoup de demandes pour des pilotes de chasse. J’ai fait quelques « jobbines » à Toronto pendant un certain temps. J’ai été chauffeur de camion pour Eaton. J’ai travaillé dans une banque pendant un an. À l’époque, je louais une chambre sur l’avenue Nealon à un couple dont le fils était en sixième année. Je m’entendais bien avec lui, et un jour sa mère m’a demandé si j’avais déjà songé à l’enseignement. La réponse fut négative. En fait, je n’avais pas vraiment pensé à quoi que ce soit de précis. Mais l’école normale était dans mon quartier, près de l’avenue Pape. Pour faire court, j’ai été accepté.
J’enseignais à Cabbagetown lorsqu’on a annoncé l’ouverture d’une nouvelle école, et que l’un des postes à combler était celui d’enseignant en éducation physique. J’ai posé ma candidature, mais puisque je n’avais aucune des compétences requises, j’ai arrêté d’y penser. À ma grande surprise, j’ai obtenu le poste à condition que je suive des cours d’été en éducation physique.
Quelques années avant que je commence à enseigner, l’éducation physique était encore appelée EP, pour « entraînement physique ». C’était seulement de la gymnastique de style militaire et des jeux de relais – au cours desquels seuls quatre élèves bougent et 34 ne font rien. Ça m’a toujours agacé. Trop d’enfants inactifs et pas assez d’activités.
À l’élémentaire, si vous utilisez par exemple des balles en éponge ou des sacs de fèves, chaque enfant devrait en avoir un. Ainsi, tous seront actifs tout le temps. Et vous leur donnez un défi. Par exemple, on pourrait dire: « Faites circuler la balle dans la pièce. Maintenant, lancez-la sur le sol. Combien de fois pouvez-vous la faire rebondir? Comptez combien de fois vous pouvez la faire rebondir en 30 secondes. » Un enfant peut y arriver trois fois, un autre cinq fois, et un autre encore vingt fois. Ils se mettent tous au défi.
L’objectif de base avec les jeunes enfants est de leur faire aimer le mouvement. Les petits ne se soucient pas du pointage. Ils veulent avoir une balle ou une corde; ils veulent sauter. Mettez-les à l’aise avec la balle en leur apprenant à la tenir, à la pousser, à lui donner un coup de pied, à la lancer. En s’améliorant, ils pourront essayer d’atteindre une marque sur le mur. Demander aux enfants de voir combien de fois ils peuvent toucher une marque sur le mur les met tous au défi.
J.H.
J’ai toujours voulu être enseignante en éducation physique. J’ai rencontré Tom au travail et j’ai été sa supérieure pendant un certain temps! Je n’ai jamais été une grande athlète, mais j’étais suffisamment bonne. Quand je dis aux gens que j’ai été enseignante en éducation physique, ils me disent parfois : « Oh, vous ne voulez pas me parler. Je n’ai jamais été très bon en éducation physique. » Quand j’entends cela, c’est un signe d’échec pour moi. C’est l’échec de notre profession. Un élève m’a déjà dit que le sport et le mouvement étaient importants.
Ma philosophie, ainsi que celle de Tom, a toujours été que tout le monde joue et tout le monde gagne.
Notre culture est très axée sur la compétition, ce qui est parfois malsain. Les enfants sont naturellement compétitifs. L’esprit de compétition peut nous permettre de susciter l’enthousiasme et l’esprit d’équipe. On peut reconnaître des habiletés particulières; les enfants le font naturellement. Comme enseignants, Tom et moi voulions certainement que les enfants soient en forme, mais la compétition peut venir des objectifs que nous aidons les enfants à se fixer individuellement. L’éducation physique est un moyen de rendre les enfants heureux, de les faire rire, sourire et bouger, sans qu’ils se sentent embarrassés. Il faut donc faire en sorte que l’estime de soi des enfants reste intacte, et qu’ils aiment (ou du moins, apprécient) leur corps.
Bienveillance, compassion, engagement
Joyce Hetherington (District 8 London, Middlesex)
Tom a eu 100 ans le 31 mai de cette année. Sa collecte de fonds – il va marcher 160 kilomètres (100 milles) pour recueillir de l’argent pour les anciens combattants sans abri – a commencé, je pense, parce qu’il avait besoin d’un objectif ou d’un but à l’occasion de son centenaire, et parce qu’il est lui-même un vétéran de la Seconde Guerre mondiale. Les Légions de London sont très actives pour retrouver ces anciens combattants – ce sont surtout des hommes – qui, après la démobilisation, n’ont pas réussi à réintégrer la société. Cette situation a des échos pour Tom. En 1946, alors qu’il n’avait que 25 ans, il était pilote de Spitfire depuis déjà six ans, à un âge où la plupart des jeunes décident de ce qu’ils veulent faire dans la vie. La seule chose qu’il connaissait était les déplacements continuels, et il avait du mal à se poser quelque part. Il a eu la chance de venir au Canada, et que les gens reconnaissent en lui les compétences personnelles qui l’ont éventuellement mené à la faculté d’éducation.
Tom Hennessy (District 8 London, Middlesex)
Je vais marcher, tout simplement. Deux membres de la Légion s’occupent de tous les détails concernant la collecte de fonds; pour ma part, tout ce que je dois faire est de marcher. J’ai décidé de recueillir des fonds pour les anciens combattants sans abri après avoir lu un article dans le magazine Legion, et un éditorial qui disait que nous devions tout faire pour les aider. Je ne peux pas plonger d’une grande hauteur ou réaliser un exploit formidable, mais je peux marcher. Quand une personne âgée de 100 ans trottine lentement sur 160 kilomètres, je suppose que c’est impressionnant. J’en ferai peut-être un peu plus.
Ce ne sera pas en une seule fois, cependant.Je peux marcher huit à dix kilomètres par jour, et parcourir environ deux kilomètres en trois quarts d’heure. J’accélère un peu à chaque fois.
Je me suis enrôlé dans l’armée en 1941 – je n’avais même pas 20 ans. J’ai commencé la formation au vol en Oklahoma et suis retourné en Angleterre pour apprendre à piloter le Spitfire. Nous servions d’escortes sur le couloir de l’Atlantique Nord; plus tard, j’ai été affecté au sud de l’Angleterre pour intercepter les avions allemands qui bombardaient les villes britanniques. Mon escadron s’est déplacé en Sicile et en Italie; nous avons effectué des missions de soutien pour le maréchal Tito de Yougoslavie. J’ai été affecté à Suez pour former d’autres pilotes. En 1945, on m’a ordonné de me préparer à l’invasion de Singapour à partir de l’Inde, mais elle fut annulée, car les bombes étaient larguées sur Hiroshima et Nagasaki.
J’ai eu beaucoup de chance. Beaucoup de pilotes de Spitfire ont été tués. J’étais toujours en mouvement pendant la guerre. Après six années, j’ai été démobilisé et j’ai eu un travail à Londres. Mais je n’arrivais pas à rester en place. Un jour, j’ai vu un panneau qui disait « Venez en Ontario ». Je suis entré, me suis inscrit, et me suis trouvé de nouveau en mouvement.
J’ai eu du mal à trouver un travail, car après la guerre il n’y avait pas beaucoup de demandes pour des pilotes de chasse. J’ai fait quelques « jobbines » à Toronto pendant un certain temps. J’ai été chauffeur de camion pour Eaton. J’ai travaillé dans une banque pendant un an. À l’époque, je louais une chambre sur l’avenue Nealon à un couple dont le fils était en sixième année. Je m’entendais bien avec lui, et un jour sa mère m’a demandé si j’avais déjà songé à l’enseignement. La réponse fut négative. En fait, je n’avais pas vraiment pensé à quoi que ce soit de précis. Mais l’école normale était dans mon quartier, près de l’avenue Pape. Pour faire court, j’ai été accepté.
J’enseignais à Cabbagetown lorsqu’on a annoncé l’ouverture d’une nouvelle école, et que l’un des postes à combler était celui d’enseignant en éducation physique. J’ai posé ma candidature, mais puisque je n’avais aucune des compétences requises, j’ai arrêté d’y penser. À ma grande surprise, j’ai obtenu le poste à condition que je suive des cours d’été en éducation physique.
Quelques années avant que je commence à enseigner, l’éducation physique était encore appelée EP, pour « entraînement physique ». C’était seulement de la gymnastique de style militaire et des jeux de relais – au cours desquels seuls quatre élèves bougent et 34 ne font rien. Ça m’a toujours agacé. Trop d’enfants inactifs et pas assez d’activités.
À l’élémentaire, si vous utilisez par exemple des balles en éponge ou des sacs de fèves, chaque enfant devrait en avoir un. Ainsi, tous seront actifs tout le temps. Et vous leur donnez un défi. Par exemple, on pourrait dire: « Faites circuler la balle dans la pièce. Maintenant, lancez-la sur le sol. Combien de fois pouvez-vous la faire rebondir? Comptez combien de fois vous pouvez la faire rebondir en 30 secondes. » Un enfant peut y arriver trois fois, un autre cinq fois, et un autre encore vingt fois. Ils se mettent tous au défi.
L’objectif de base avec les jeunes enfants est de leur faire aimer le mouvement. Les petits ne se soucient pas du pointage. Ils veulent avoir une balle ou une corde; ils veulent sauter. Mettez-les à l’aise avec la balle en leur apprenant à la tenir, à la pousser, à lui donner un coup de pied, à la lancer. En s’améliorant, ils pourront essayer d’atteindre une marque sur le mur. Demander aux enfants de voir combien de fois ils peuvent toucher une marque sur le mur les met tous au défi.
J.H.
J’ai toujours voulu être enseignante en éducation physique. J’ai rencontré Tom au travail et j’ai été sa supérieure pendant un certain temps! Je n’ai jamais été une grande athlète, mais j’étais suffisamment bonne. Quand je dis aux gens que j’ai été enseignante en éducation physique, ils me disent parfois : « Oh, vous ne voulez pas me parler. Je n’ai jamais été très bon en éducation physique. » Quand j’entends cela, c’est un signe d’échec pour moi. C’est l’échec de notre profession. Un élève m’a déjà dit que le sport et le mouvement étaient importants.
Ma philosophie, ainsi que celle de Tom, a toujours été que tout le monde joue et tout le monde gagne.
Notre culture est très axée sur la compétition, ce qui est parfois malsain. Les enfants sont naturellement compétitifs. L’esprit de compétition peut nous permettre de susciter l’enthousiasme et l’esprit d’équipe. On peut reconnaître des habiletés particulières; les enfants le font naturellement. Comme enseignants, Tom et moi voulions certainement que les enfants soient en forme, mais la compétition peut venir des objectifs que nous aidons les enfants à se fixer individuellement. L’éducation physique est un moyen de rendre les enfants heureux, de les faire rire, sourire et bouger, sans qu’ils se sentent embarrassés. Il faut donc faire en sorte que l’estime de soi des enfants reste intacte, et qu’ils aiment (ou du moins, apprécient) leur corps.
Le point: la marche de la gratitude de Tom Hennessy
Tom Hennessy sait qu’il a eu de la chance: il est rentré chez lui après la guerre, alors que tant d’autres y sont morts.
Et beaucoup de ceux qui sont revenus ont souffert des effets de leurs expériences au combat.
Voilà pourquoi Tom a décidé de marcher 160 kilomètres (100 milles) en tout – quelques heures par jour pendant quelques semaines – dans le parc Victoria du centre-ville de London en Ontario, afin de recueillir 10 000 $ pour venir en aide aux anciens combattants sans abri.
Cependant, la page GoFundMe de la marche (à l’adresse www.gofundme.com/f/tom-hennessy) a rapidement dépassé ce montant et Tom a décidé qu’il pouvait marcher 160 km (100 milles) et atteindre l’objectif de 100 000 $.
Au moment d’aller sous presse, il avait amassé plus de 50 000 $ et ça continue!
London possède l’un des deux hôpitaux pour anciens combattants en Ontario, où ils peuvent profiter de toute une gamme de services. La ville semble attirer les anciens combattants dans le besoin (certains d’entre eux étant sans abri), ce qui explique pourquoi les Légions de la ville s’y intéressent particulièrement.
L’argent recueilli par Tom sera versé au Fonds du coquelicot de la Légion pour aider les anciens combattants qui sont sans abri ou à risque de le devenir. L’aide, adaptée aux circonstances individuelles, sera de courte durée – l’intention est de donner aux gens un soutien d’appoint pour les aider quand ils en ont besoin.
Tom a terminé sa marche sur scène lors des célébrations locales de la fête du Canada.
« Cette initiative de Tom pour les anciens combattants sans abri est absolument incroyable, a déclaré Randy Warden, ancien président de la filiale 145 de la Légion Vimy à London. Même si Tom n’avait recueilli qu’un seul dollar, il a sensibilisé le public au problème des sans-abri. C’est un éducateur et un porte-parole hors pair. »
T.H.
J’utilisais l’approche axée sur les défis parce que, en tant qu’enseignant, vous êtes responsable de chaque enfant dans la classe. Vos fonctions ne se limitent pas aux bons ou aux mauvais élèves, ou à quiconque possède des habiletés; vous êtes responsable de tout le monde.
Après avoir enseigné l’éducation physique pendant environ deux ans et demi, je me suis dit que je pourrais gagner plus d’argent en vendant des assurances. Alors j’ai arrêté l’enseignement et j’ai commencé à vendre des assurances. J’ai gagné plus d’argent, mais je détestais ce que je faisais. Je suis retourné voir mon ancien patron pour lui dire que c’était une erreur et que je voulais revenir à l’enseignement. Il m’a dit « Tu n’as pas fait d’erreur. Tu as découvert que tu seras un bon enseignant ».
Plus tard, je suis devenu superviseur de l’éducation physique à Sarnia, puis conseiller. J’ai consacré le reste de ma carrière à faire la tournée des classes de l’élémentaire et à aider les enseignants avec l’éducation physique, car nous n’avions pas de spécialistes à l’élémentaire à cette époque.
À ma retraite, j’ai commencé à donner des ateliers sur le rire comme agent de guérison. C’était très amusant. Amener les gens à oublier leurs soucis et à se laisser aller; j’ai vraiment aimé faire cela.
J.H.
Tom est extrêmement discipliné à rester actif – plus que moi. Il y a une phrase que j’aime dans Les Chariots de feu. Un personnage court sur la plage, je crois, et il dit quelque chose comme « Quand je cours, je sens le plaisir de Dieu ». Cet athlète est compétitif et il ressent le plaisir de Dieu.
T.H.
Je suis extrêmement reconnaissant. J’ai été très chanceux dans ma vie. J’ai été hospitalisé plusieurs fois, mais jamais pour une maladie. C’était toujours pour une fracture ou quelque chose comme ça. J’ai eu la chance d’avoir une bonne génétique. Et j’ai toujours été actif. Je faisais de la course à pied bien avant que ça devienne à la mode. Et je suis très reconnaissant de vivre au Canada. Je suis en bonne santé. Tout est en ordre. J’ai une bonne rente. C’est tellement positif.
En marchant pour les anciens combattants, j’essaie de dire merci. Si je suis en assez bonne santé pour le faire et que cela permet d’amasser des fonds pour ceux qui n’ont pas ma chance, alors je le fais.
Martin Zibauer
Martin Zibauer est journaliste et rédacteur à Toronto, un cuisinier plus ou moins doué, un amoureux des chats et un adepte du bowling sur gazon (boulingrin). Il écrit régulièrement des articles sur le bricolage et l’alimentation pour Cottage Life et autres magazines. Martin aime partir à l’aventure, préférant les pays insulaires aux continents, les épiceries aux marchés publics et la deuxième plus grande ville d’un pays à sa métropole.
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