Chaque été, le conseil d’administration de RTOERO finance des praticiens en début de carrière qui sont boursiers de recherche d’été pour des stages affiliés à l’Institut national sur le vieillissement (NIA). Il s’agit d’un engagement de 100 000 $ sur cinq ans. Voici le second de trois articles pour vous présenter les boursiers d’été de RTOERO pour 2023. Dans ce numéro : Xalima Ali, étudiante à la maîtrise à la Munk School of Global Affairs & Public Policy de l’Université de Toronto, spécialisée dans les politiques de santé.
Chaque élection amène son lot de promesses, et souvent il semble que les politiciens courtisent les aînés. Mais les élections ayant pour but de faire élire les politiciens, l’intérêt envers les adultes âgés s’avère logique sur le plan stratégique. Selon Statistique Canada, la participation électorale augmente avec l’âge : 83 % des personnes de 65 à 74 ans ont voté à l’élection fédérale de 2021. Mais les promesses faites aux aînés lors des campagnes électorales se traduisent-elles dans les faits par des politiques concrètes?
Pas toujours, et pas assez vite.
Voilà ce qu’a constaté Xalima Ali, boursière-chercheuse de l’été 2023 pour RTOERO à l’Institut national du vieillissement (NIA), en effectuant une analyse des engagements électoraux en matière de soins à domicile, de soins de santé et de soins de longue durée au Canada avancés par les différents partis politiques, selon les instances de compétence. L’exercice s’est cependant avéré plus difficile qu’elle le croyait au départ. « Cette recherche devrait être beaucoup plus facile à effectuer, surtout pour le grand public. On devrait savoir combien d’argent est consacré aux adultes âgés ou handicapés, indique l’étudiante. Même cela s’est avéré une expérience d’apprentissage – constater à quel point il est difficile de trouver ces informations. »
Lorsque Mlle Ali a eu en main les informations financières, il lui est clairement apparu que la perception âgiste selon laquelle les aînés « prennent tout l’argent » ou sont priorisés après l’élection est erronée.
« Il existe une disparité entre les promesses de campagne électorale et l’allocation de fonds, explique Mlle Ali. Il ne faut pas donc pas s’étonner si les choses prennent autant de temps à aboutir : en examinant les plans budgétaires, j’ai constaté qu’il s’agissait de prévisions étalées sur cinq ans, voire dix ans. » Et nous savons évidemment qu’il peut y avoir des changements de gouvernements au cours de cette période.
L’analyse selon les instances de compétence a permis d’élaborer un rapport du NIA intitulé Favoriser un avenir plus prometteur pour les soins de longue durée au Canada (résumé en français). Il s’agit du troisième et dernier rapport de la série du NIA présentant une feuille de route pour des systèmes de soins de longue durée plus viables, plus abordables et plus équitables. Le rapport fait ressortir les défis à relever, notamment la disparité entre le vieillissement de la population canadienne et le financement approprié des soins aux aînés. Il met en évidence le fait que le Canada consacre une part moins importante de son produit intérieur brut aux soins de longue durée que d’autres pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De plus, la part des dépenses allouée aux soins à domicile et de santé communautaire est aussi en retard par rapport aux autres pays : en 2019, 18 pour cent des dépenses ont été consacrées aux soins à domicile et communautaires, alors que la moyenne de l’OCDE est de 36 pour cent.
Avant d’effectuer son stage, Mlle Ali n’avait pas envisagé de travailler dans une équipe de spécialistes comme le NIA, mais cette possibilité est désormais réelle. Elle avait entendu parler du programme de recherche des boursiers d’été de RTOERO alors qu’elle terminait son baccalauréat en sciences de la santé avec une mineure en gérontologie à l’Université de Waterloo. Elle venait de poser sa candidature au programme de maîtrise en politique publique lorsque l’un de ses professeurs lui a fait part de l’opportunité qui s’offrait à elle.
Au-delà de l’analyse juridictionnelle, Mlle Ali a passé une bonne partie de l’été à faire des recherches sur les soutiens aux soins à domicile pour les aînés immigrés au Canada afin d’étayer un autre rapport du NIA. Ce sujet revêtait un caractère personnel pour Mlle Ali, dont les parents et grands-parents somaliens ont émigré au Canada.
« Il est très facile de mettre tous les immigrants dans le même groupe, mais des différences culturelles existent au sein de la population, explique-t-elle. Les politiques actuelles ne tiennent pas compte de la diversité parmi la population immigrée, ce qui peut créer davantage d’obstacles. »
Fournir des options plus personna-lisées et individualisées pour aider les aînés à rester autonomes peut permettre d’éviter leur déménagement prématuré dans une résidence pour aînés – une situation triplement gagnante pour tous, puisque les soins à domicile sont plus économiques, les maisons de soins de longue durée sont surchargées et que la plupart des Canadiens (96 % d’entre eux) veulent éviter d’aller dans ces institutions.
Mlle Ali a aussi procédé à une analyse de la documentation sur les expériences des anciens combattants en matière de vieillissement au Canada, ce qui a remis en question ses présomptions antérieures sur la sécurité financière des anciens combattants.
« Dans l’ensemble, chaque projet auquel j’ai contribué a mis en évidence le sous-service systémique des adultes âgés dans les systèmes sociaux et de santé canadiens, une situation exacerbée chez les populations noires, autochtones, racialisées et 2SLGBTQIA+, en particulier lorsque ces identités se recoupent », explique Mlle Ali. Elle affirme qu’une mobilisation soutenue est nécessaire pour permettre un soutien équitable aux adultes âgés, afin de favoriser leur autonomie et leur bien-être en vieillissant. Les rapports du NIA peuvent être utiles, tout comme les efforts de RTOERO, de ses membres et de ses partenaires, afin de sensibiliser tous les niveaux de gouvernement.
À l’approche des élections provinciales et territoriales de 2024 et 2025 et des élections fédérales de 2025, n’oubliez pas qu’il est malavisé de croire que les promesses deviendront des politiques concrètes, même si elles suscitent de l’intérêt à l’idée d’un changement possible. Nous devons maintenir la pression pour créer un système qui permet à chacun de vieillir dans la dignité.