La solitude peut sembler… disons-le… bien solitaire. Mais très courante. À un point tel que le Women’s Age Lab du Women’s College Hospital de Toronto l’a qualifiée « d’épidémie » dans une note d’information publiée plus tôt cette année. Le Women’s Age Lab, en collaboration avec 14 organisations d’envergure nationale regroupées sous l’Intersectoral Collaboration for Loneliness (dont font partie RTOERO et la Fondation RTOERO), veulent que le Canada suive l’exemple d’autres pays et applique une stratégie nationale pour lutter contre la solitude et favoriser les contacts sociaux.
« La solitude contribue largement à notre état de santé et de bien-être, mais nous avons les moyens d’y répondre. C’est possible. Avec le soutien et les ressources nécessaires, on peut prévenir la solitude », indique la Dre Rachel Savage, scientifique au Women’s Age Lab. « D’autres pays à travers le monde ont pris position de façon beaucoup plus proactive et procédé à des investissements importants pour remédier à ce problème. »
En 2021, le Canada s’est classé au dernier rang des 11 pays étudiés par le Fonds du Commonwealth en ce qui concerne les niveaux d’isolement social, probablement en raison de l’absence d’approche coordonnée au pays. Selon les données de l’enquête, 39 % des Canadiens âgés de 65 ans et plus indiquent souffrir de solitude au moins une partie du temps. Et ce pourcentage est plus élevé chez les femmes.
« Une proportion plus élevée de femmes âgées se sentent seules au moins une partie du temps – 42,4 %, contre 34,2 % pour les hommes. Nous savons donc qu’il s’agit d’un problème important chez les femmes âgées, précise Mme Savage. De nombreux facteurs différents sont probablement en jeu ici.
Notamment, les femmes vivent plus longtemps, ce qui accroît leur probabilité d’être veuves et de se retrouver seules; elles assument davantage de rôles de proches aidantes, ce qui peut les isoler; elles sont aussi plus susceptibles d’être confrontées à l’insécurité financière; et certains de ces facteurs peuvent également relever des statistiques, alors que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de reconnaître qu’elles ressentent de la solitude.
Le remède à la solitude semble simple : les contacts sociaux. Mais si la solution est tellement évidente, pourquoi sommes-nous toujours aux prises avec ce fléau? « Une bonne partie des discussions sur la solitude en fait un problème individuel, ce qui contribue à la déconsidérer, explique Mme Savage. Les gens sont souvent étonnés d’apprendre que la solitude est associée aux groupes marginalisés – les personnes handicapées, à faible revenu, les femmes, les immigrants. Et donc, dans une certaine mesure, il s’agit d’enjeux systémiques et de discrimination. »
Prenons le revenu – l’accès à des prothèses auditives, au transport ou aux soins dentaires favorise notre inclusion sociale. Les transitions de la vie sont un autre facteur important. Le décès d’un conjoint, l’apparition d’un nouveau problème de santé ou de mobilité, la prise en charge d’un membre de la famille, et même la retraite, sont autant de changements de vie pouvant nous rendre plus vulnérables face à la solitude.
Il est donc essentiel d’avoir accès à des ressources pour nous aider pendant ces périodes de transitions. Mme Savage et son équipe désirent voir des stratégies étendues et des investissements accrus dans l’infrastructure et les interventions sociales, ce qui, comme on peut s’y attendre, signifie aussi davantage de recherche.
« Il n’existe pas vraiment de données probantes sur la façon de lutter contre la solitude, et c’est en partie parce que la plupart des interventions adoptent une approche unique pour tous, explique Mme Savage. Le problème de la solitude est plus complexe que cela. Qui nous sommes, où nous vivons, à quelle étape de la vie nous sommes rendus – tout cela interagit de différentes façons pour nous exposer à différents niveaux de risque. Il a été démontré que les interventions adaptées aux populations ont le meilleur impact. »
L’équipe de Mme Savage examine actuellement une approche intersectionnelle de la solitude chez les adultes d’âge moyen et âgés en explorant des sous-groupes comme le sexe, le genre, l’âge, le handicap, le revenu, le statut d’immigrant et l’orientation sexuelle, afin d’élaborer des approches plus adaptées qui s’attaquent aux causes profondes.
Savoir que ce problème est très répandu peut être réconfortant si vous y êtes confronté : vous n’êtes pas seul. Il est aussi important de reconnaître que la solitude est une réaction naturelle et appropriée à des circonstances difficiles, comme les changements dans la vie, et que le fait d’en faire l’expérience peut servir de rappel pour tendre la main aux autres.
« Lorsque vous avez soif, vous devez boire de l’eau. Si vous vous sentez seul, votre corps vous dit qu’il est temps d’entrer en contact avec votre entourage, explique Mme Savage. Nous devons cesser de croire que la solitude est honteuse. Nous la ressentons tous à différents moments de notre vie. »
Tout comme ses partenaires, RTOERO continuera à défendre cet enjeu et, sur le plan individuel, nous pouvons soulever cette question auprès de nos élus.
Nul besoin d’attendre une stratégie nationale pour agir pour vous-même et votre entourage. En premier lieu, pourquoi ne pas vous confier à l’un de vos proches sur ce que vous ressentez, à un ami ou un membre de la famille en qui vous avez confiance, un fournisseur de soins de santé ou un leader religieux? Si une personne de votre entourage vous préoccupe, vous pouvez lui demander comment elle se sent et essayer de l’aider à faire une activité.
« On peut faire beaucoup simplement en étant un bon voisin et en aidant les autres, résume Mme Savage. Il est important de tous nous impliquer dans nos sphères d’influence locales et d’aller vers les autres. La solitude nous concerne tous. »