Beaucoup d’auteurs, de philosophes et même des religions entières nous disent que la souffrance – la maladie, le deuil, la perte d’un emploi, la rupture d’une relation, l’échec personnel – fait partie de la vie.
Pour citer William Wordsworth : « Votre destin est commun à tous, dans chaque vie il va pleuvoir. » Lynn Anderson nous a rappelé qu’on ne nous a jamais promis un jardin de roses.
Le Dalaï-Lama a déclaré en entrevue : « Le jour de votre naissance fut celui de la naissance de votre souffrance », avant d’ajouter une petite plaisanterie sur la façon dont les gens essaient d’éviter de reconnaître les problèmes de la vie. « Les gens disent généralement “ Bonne fête ”, mais personne ne dit “ Bonne fête de souffrance ” ». Selon le Dalaï-Lama, une meilleure approche consisterait à changer notre attitude face à la souffrance.
Un jour ou l’autre, de mauvaises choses arrivent à tout le monde, mais la recherche montre que l’on peut devenir plus résilient face à ces expériences. La résilience n’est pas une façon d’éviter ou d’ignorer les revers de la vie, ou de simplement les tolérer; il s’agit plutôt de trouver des façons d’utiliser sa force intérieure pour reprendre le dessus. Dans son ouvrage The Emotional Toolkit, la psychologue Darlene Mininni explique que « le problème n’est pas de ne jamais tomber – nous sommes humains. La résilience, c’est avoir les outils pour savoir comment se relever ».
Beaucoup de gens peuvent trouver une occasion de croissance dans l’adversité. Dans les faits, des chercheurs en médecine du Resilience Lab de l’University of Southern California ont découvert que la conséquence la plus fréquente d’une tragédie personnelle n’est pas l’état de stress post-traumatique, mais plutôt la croissance post-traumatique. La chercheuse Em Arpawong l’a décrite comme « une expérience profonde qui change la vie et est perçue comme étant négative, mais qui, en fin de compte, permet de s’épanouir et de s’en sortir mieux que prévu ».
Les personnes résilientes ont tendance à se demander ce qu’elles peuvent retirer d’une expérience négative. C’est une façon de changer d’attitude : au lieu de vous demander.
« Pourquoi est-ce que cette tuile m’arrive à moi? Demandez-vous plutôt « Pourquoi cela arrive-t-il pour moi? »
Il n’est pas toujours possible de faire du beau avec du laid. Voir les tragédies personnelles comme une façon d’apprendre peut s’avérer difficile pour la plupart d’entre nous, et l’idée peut même avoir l’air de pseudo-psychologie à deux sous.
Mais les psychologues ont découvert que la résilience est une compétence qui s’apprend. Et il y a plusieurs façons de s’y mettre.
Prendre soin de soi
Sans surprise : on sait que l’exercice physique modéré, un sommeil réparateur et une saine alimentation améliorent la résilience et aident à mieux réagir au stress et aux événements négatifs. Après huit semaines d’exercice, trois fois par semaine, les participants à une étude menée en 2021 à la Northern Arizona University ont montré une plus grande résistance au stress oxydatif, c’est-à-dire aux radicaux libres, par rapport aux antioxydants présents dans l’organisme. L’étude a constaté le même effet tant chez les hommes que chez les femmes, jeunes et moins jeunes; des gains plus importants sur le plan aérobique vont de pair avec une meilleure résilience. De même, une étude menée en 2020 à l’Université Emory, aux États-Unis, a montré que les souris qui pouvaient faire autant d’exercice qu’elles le voulaient présentaient des niveaux plus élevés de galanine, une hormone associée à une bonne santé mentale, et qu’elles retrouvaient un comportement normal plus rapidement après un événement stressant que les souris inactives.
La méditation de pleine conscience peut aussi vous donner les moyens d’échapper aux processus négatifs de la pensée. La pleine conscience consiste à être dans le moment présent, à l’écoute de ce qui se passe maintenant – vos émotions, vos pensées, vos sensations – et à les reconnaître simplement, sans les juger. Dans la méditation de pleine conscience, au cours de laquelle vous centrez votre attention sur la respiration, lorsqu’une pensée traverse l’esprit – comme cela arrive –, vous n’essayez pas de la supprimer, mais simplement de l’observer : « Oh, voici une pensée. Hmm. »
Élargir votre cadre de conscience peut vous aider lorsque vous êtes confronté à une crise. Beaucoup d’entre nous réfléchissent intensément à un aspect d’un problème, dans un cycle frustrant de rumination. En prenant du recul pour reconnaître que vos pensées ne sont justement que des pensées, vous pouvez changer la façon de les aborder en évitant de tomber dans le cycle stérile de la rumination. Avec un peu de recul, vous constaterez peut-être que vous n’avez pas besoin d’être toujours en accord avec vos pensées.
Développer des liens
Les liens sociaux sont bons pour nous. L’étude longitudinale du comté d’Alameda qui s’est déroulée de 1965 à 1999 a révélé que les personnes bénéficiant d’un fort soutien social – amis, famille, relations par le biais du bénévolat et des clubs – avaient tendance à vivre plus longtemps, même si elles fumaient ou étaient en surpoids. On estime que l’isolement social équivaut à fumer 15 cigarettes par jour. Il n’est cependant pas nécessaire d’être excessivement sociable : des contacts sociaux peu fréquents, aussi peu souvent que toutes les trois semaines, ou sur les médias sociaux, suffisent à faire la différence. Même un contact non humain, avec un animal de compagnie par exemple, améliore la résilience.
Cultiver l’optimisme
« L’humanité a évolué vers le pessimisme », affirme Martin Seligman, largement considéré comme le père de la psychologie positive. Lorsque les menaces les plus graves auxquelles l’être humain était confronté étaient d’ordre physique, celui qui accordait le plus d’attention aux problèmes susceptibles de survenir – mauvais temps, prédateurs, manque de nourriture – avait plus de chances de survivre. Le pessimisme a encore de la valeur : les personnes qui pratiquent le pessimisme défensif, c’est-à-dire qui se fixent des attentes peu élevées, anticipent les pires situations et agissent en conséquence, sont moins anxieuses et peuvent être plus motivées.
Dans notre monde moderne, cependant, les optimistes s’en tirent mieux sur le plan de la santé. En 2019, une analyse de 15 études menées aux États-Unis, en Europe, en Israël et en Australie a révélé que les optimistes parmi les 229 000 participants présentaient 35 pour cent moins de risques de contracter une maladie cardiaque et 14 pour cent moins de risques de mourir prématurément.
Mais l’optimisme peut se transformer en positivité toxique – vous savez, cette réaction de sourire forcé malgré les épreuves – qui nie la réalité en refusant de reconnaître les émotions négatives. C’est considérer une telle façade comme le remède universel à tous les problèmes. Un certain optimisme tempéré par le réalisme pourrait s’avérer un plus juste milieu. Comme le disait un petit farceur anglais, « “quand la vie vous donne des citrons, faites de la limonade”, mais rappelez-vous qu’ils sont le résultat d’un croisement entre des oranges amères et du cédrat et qu’ils n’existent pas à l’état naturel ».
Selon la psychologue Mininni, un optimiste reconnaît que les périodes difficiles sont réelles et vraiment pénibles, mais les considère comme temporaires. Il essaie de voir les choses telles qu’elles sont, mais pas pires qu’en réalité. Une façon de considérer les problèmes comme temporaires est d’éviter de les étiqueter avec des termes comme « toujours » et « jamais ». Ces mots transforment une situation actuelle en quelque chose de perçu comme permanent. Même dans les situations permanentes, comme une maladie chronique ou le décès d’un être cher, nos sentiments peuvent changer.
Une autre technique pour cultiver l’optimisme consiste à recentrer notre attention en compensant notre prédisposition évolutive à être très attentif aux menaces avec la prise de conscience des aspects positifs de la vie. Un journal de gratitude – qui consiste à écrire chaque jour au sujet de quelque chose d’agréable qui vous est arrivé – est une solution. Vous pouvez aussi remercier davantage les gens pour les petites choses qu’ils font, prêter attention à ce que vous ressentez lorsque quelque chose de bien (et surtout de peu important) se produit, ou rendre service aux autres. En aidant les autres à devenir plus résilients, vous le serez aussi.
Résilience sociétale
Lorsque nous étions en pleine période de confinement en raison de la pandémie et des campagnes de vaccinations, on croyait que la santé mentale de presque tous était compromise et que les effets se feraient sentir à long terme. Nous discutions alors – lors d’appels sur Zoom ou de conversations à deux mètres de distance – de la « nouvelle normalité » et des « tsunamis en santé mentale ».
Une récente méta-analyse publiée en mars dans le British Medical Journal présente, avec le recul, un point de vue plus nuancé. Les chercheurs des universités McGill, McMaster, de celle de Toronto et d’autres ont examiné 137 études effectuées dans 31 pays. Même si les individus et les groupes particuliers ont vécu des expériences diverses en santé mentale, celle de la plupart des populations étudiées est restée étonnamment stable dans l’ensemble et au fil du temps. « Les gens ont été beaucoup plus résilients qu’on le croyait », écrit Ying Sun, coordinatrice de recherche à l’Institut Lady Davis de Montréal et l’une des auteures de l’étude.
Lucy Hone, une psychologue néo-zélandaise ayant travaillé avec les survivants du tremblement de terre de Christchurch en 2011, suggère que la visibilité constitue l’une des clés de la résilience des sociétés : « Ne pas se voir représenté dans la société, que ce soit en raison de sa race, de sa sexualité ou d’une maladie mentale, nuit à la résilience. » Lorsque les sociétés sont plus résilientes, tout comme les individus, elles sont mieux en mesure de faire face aux crises, de mobiliser rapidement les ressources, de protéger les membres vulnérables et l’économie – et de se faire davantage confiance.
Exercices de résilience efficaces
Les trois sens
Anxiété Canada suggère cet exercice pour être plus calme, plus attentif et plus concentré sur le présent. Essayez-le la prochaine fois que vous vous sentirez irrité par quelque chose d’impossible à changer, comme au moment de faire la queue dans une file d’attente. Respirez lentement et profondément et posez-vous la question : quelles sont trois choses que je peux entendre maintenant? Quelles sont trois choses que je peux voir? Quelles sont trois choses que je peux ressentir?
Journal de gratitude
Mettez-vous au défi d’écrire chaque jour au sujet de trois à cinq choses pour lesquelles vous êtes reconnaissant ou qui se sont bien passées – de petites choses, comme une chaise confortable ou le fait d’avoir attrapé un autobus de justesse. Après avoir effectué cet exercice, un groupe d’étude composé de personnes souffrant de maladies débilitantes et permanentes est devenu plus optimiste et plus satisfait, et a mieux dormi.
Une autre étude a demandé à des étudiants d’écrire chaque jour cinq lignes sur quelque chose de positif. Il s’avère que plus votre gratitude est précise et détaillée, mieux c’est.
Le meilleur de soi
Chaque jour, pensez à un aspect de votre vie – santé, relations, loisirs – et imaginez exactement à quoi cela ressemblerait dans le meilleur avenir possible. Consacrez 15 minutes à écrire un texte détaillé.
Cet exercice peut améliorer votre humeur et votre motivation. Dans certaines études, des patients souffrant de douleurs chroniques qui ont pratiqué cet exercice pendant plusieurs semaines ont vu leurs symptômes diminuer.