Comme directeurs d’école, on nous accusait souvent de « brasser de l’air » lorsque l’on parlait trop longtemps dans les réunions du personnel. Quelle meilleure façon de leur donner raison que d’acheter un ballon à air chaud, autrement dit une montgolfière?
Dans les années 1990, j’étais directeur d’une excellente école située dans un quartier difficile, et certaines journées, les crises se succédaient; on ne s’ennuyait jamais. Bien entendu, le fait que l’abri fortifié des Hells Angels soit situé à côté et que la police devait souvent intervenir pour expulser les intrus sur le terrain de l’école n’aidait pas la situation. J’aimais mon travail, mais les fins de semaine j’avais vraiment besoin de décrocher. Dans mon cas, la retraite pointait le bout de son nez et je cherchais déjà à essayer quelque chose de complètement différent de ce que j’avais fait pendant ma carrière.
En 1990, j’ai décidé d’acheter une montgolfière et d’apprendre à la piloter.
Ma passion pour ces majestueux ballons à air chaud a commencé en 1986, alors que j’effectuais mon premier vol en montgolfière pendant des vacances d’été en Angleterre. Ayant vu une annonce dans un journal local, je me suis dit : « Pourquoi pas ? »
Ce fut une expérience extraordinaire. Imaginez-vous flotter paisiblement au-dessus du parc national des Yorkshire Dales, admirer des vues magnifiques à un kilomètre d’altitude, puis redescendre rapidement pour observer la faune à seulement trois mètres du sol. J’étais devenu accro à la suite de cette expérience inoubliable, de ces vues magnifiques, et d’une célébration sociale au champagne. Qui ne le serait pas?
À mon retour, j’ai contacté Cameron Balloons à Stouffville, en Ontario, et ai pris des dispositions pour suivre la formation nécessaire en vue d’obtenir ma licence d’aérostier.
Réaliser ce rêve s’est cependant avéré beaucoup plus difficile que ce que j’avais imaginé. Première obligation : suivre un cours sur le Règlement de l’air et passer un examen complet du ministère des Transports. Ensuite, plusieurs mois de formation au pilotage pour apprendre à lire les vents, à atterrir dans des espaces restreints tout en étant conscient des animaux et des cultures.
« C’était follement excitant, et nous fêtions toujours l’événement avec du champagne après avoir atterri dans un champ de foin ou une prairie sous le soleil matinal.»
Se déplacer en montgolfière est une activité coûteuse. J’ai acheté une magnifique montgolfière Cameron pouvant transporter quatre passagers, ainsi qu’un nouveau camion et une remorque pour transporter le matériel vers l’un des nombreux sites de lancement de la région de Durham. Mais ce n’était que le début. L’assurance s’élevait à 100 $ par vol et le coût du propane pour les réservoirs des montgolfières et de l’essence pour le camion de poursuite se montait à 100 $ additionnels. J’avais besoin de deux membres d’équipage pour aider à la préparation du vol et pour suivre le ballon pendant le vol. Encore 100 $. Chaque vol me coûtait donc 300 $.
La seule façon de financer mon nouveau loisir était d’emmener des passagers payants.
J’ai baptisé mon ballon Skylark et ma nouvelle entreprise fut enregistrée sous le nom de Skylark Balloons. J’ai passé des annonces pour des vols romantiques pour deux personnes et fût stupéfait de la réponse. Les jeunes hommes semblaient trouver incroyablement romantique de faire une demande en mariage dans une montgolfière à 900 mètres d’altitude, généralement avec une rose et une bague prêtes pour l’occasion. J’ai entendu plus de demandes en mariage qu’Elizabeth Taylor, certaines à genoux, d’autres accompagnées d’un poème romantique ou d’un discours nerveux. Une seule femme a dit non, et un silence embarrassant a plané à bord pendant le reste du vol.
C’était follement excitant, et nous fêtions toujours l’événement avec du champagne après avoir atterri dans un champ de foin ou une prairie sous le soleil matinal. Le retour à la base se faisait dans la joie, pendant que mes passagers revivaient avec exaltation chaque minute de leur expérience.
Une fois, nous avons atterri dans un champ avec des taureaux agressifs; une autre fois, nous avons été projetés dans un banc de neige lorsque la nacelle a basculé à l’atterrissage. Par une journée d’hiver froide, une femme aimable et joviale nous a invités chez elle, mon équipe et moi, à venir manger des sandwichs au bacon et à prendre un café. Dans sa ferme, nous nous sommes blottis devant le foyer, nous réchauffant les pieds sur son énorme cochon ventru. N’oublions pas non plus cette passagère qui a dispersé les cendres de son père à 300 mètres d’altitude, avec des résultats plutôt embarrassants.
C’était le monde trépidant des montgolfières, et à l’école, mon personnel enthousiaste a rapidement voulu en faire l’expérience.
En juin 1995, le jour de ma retraite approchant à grands pas, j’ai voulu organiser quelque chose de spécial pour le personnel avant mon départ. Mon instructeur de pilotes possédait trois grosses montgolfières pouvant chacune transporter huit passagers. Il a donc organisé un vol un soir d’été pour les 18 d’entre nous.
Voir quatre montgolfières s’élever dans le ciel pour un vol tranquille dans la campagne magnifique fut un spectacle grandiose. Nous avons atterri une heure plus tard et avons célébré tous ensemble une dernière fois. L’excitation et l’exaltation étaient à leur comble alors que nous sirotions du champagne et grignotons des fraises, du pâté et des craquelins. Nous avons continué à bavarder jusqu’à la tombée de la nuit, et avons poursuivi à la lueur des phares des quatre véhicules d’accompagnement.
Skylark Balloons a continué bien après ma retraite, tout comme les aventures et les incidents passionnants. Il était inévitable que toutes ces histoires soient mises un jour sur papier, ce qui fut fait. Mon livre, A Skylark in Blue Yonder, fut publié en 2014, lorsque ma carrière dans les airs a finalement pris fin parce que l’examen médical pour les pilotes devient plus difficile après l’âge de 70 ans.
Je regrette encore parfois le sentiment d’aventure et la camaraderie, surtout lorsque je vois une montgolfière monter dans le ciel. Parce que peu importe les problèmes au moment du décollage, ils auront tous disparu à l’atterrissage.