Des recherches récentes remettent en question l’idée que surtout les hommes sont victimes de maladies cardiaques. Pour faire le point, Renaissance s’est entretenu avec deux expertes canadiennes dans ce domaine : la Dre Karin Humphries, PhD, professeure agrégée à la Faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), également titulaire de la chaire de la Fondation des maladies du cœur de l’UBC sur la santé cardiovasculaire des femmes, et la Dre Paula Harvey, MD, PhD, qui dirige le département de médecine et est titulaire de la F.M. Hill Chair in Women’s Academic Medicine à l’Université de Toronto.
Chez la femme, les maladies cardiaques peuvent se présenter de façon tout autre que chez les hommes. Le corps féminin étant différent, le cœur et les vaisseaux coronaires sont généralement plus petits et présentent des symptômes uniques.
En premier lieu, les facteurs de risque des maladies cardiaques affectent les femmes différemment des hommes. Par exemple, le diabète de type 2 est deux fois plus susceptible d’entraîner une maladie cardiaque chez les femmes. Le tabagisme est aussi particulièrement nocif pour le cœur d’une femme.
Certains facteurs de risque de maladie cardiaque, par exemple l’hypertension (pression artérielle élevée), sont souvent non détectés ni traités aussi rapidement chez les femmes que chez les hommes.
Certains facteurs de risque touchent presque exclusivement les femmes. En plus du cancer du sein, il peut s’agir de maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde, qui peuvent provoquer une inflammation des vaisseaux sanguins ou l’accumulation de plaque.
Les femmes ayant présenté de l’hypertension artérielle pendant la grossesse ou un diabète induit par grossesse sont plus exposées aux maladies cardiovasculaires en vieillissant. Afin de prévenir l’hypertension plus tard dans la vie, il est important de surveiller régulièrement la tension artérielle. « À chaque examen annuel, faites vérifier votre tension artérielle et assurez-vous qu’elle n’augmente pas. Si c’est le cas, il faut la traiter », explique la Dre Humphries.
Une saine alimentation, le maintien d’un poids santé et l’exercice physique régulier sont également essentiels à la santé cardiaque. Mais au lieu de préférer une seule séance d’exercice ou une seule activité physique par jour, la Dre Humphries conseille plutôt « d’essayer d’accroître l’activité physique tout au long de la journée, car les bénéfices sont cumulatifs ».
Les femmes victimes d’une crise cardiaque ne présentent souvent pas le même type de symptômes que les hommes, à savoir la douleur thoracique aiguë caractéristique. Elles peuvent plutôt ressentir une forte pression dans le dos, une fatigue extrême, des douleurs à la mâchoire, des nausées ou des sueurs – tous des symptômes pouvant être mal diagnostiqués ou ignorés par le personnel de santé, ajoute Dre Humphries. Ces symptômes uniques peuvent être attribuables au fait que la maladie touche les petits vaisseaux sanguins du cœur, plutôt que les artères principales. Les artères coronaires plus petites des femmes compliquent les procédures comme le pontage coronarien qu’il est plus difficile de réaliser, ce qui augmente les risques de résultats défavorables.
Par le passé, la recherche s’est surtout concentrée sur les hommes, mais la situation est en train de changer. Une étude récente publiée dans le Canadian Journal of Cardiology a révélé une augmentation inquiétante des crises cardiaques chez les femmes ontariennes de moins de 55 ans. Les résultats indiquent que les femmes s’en sortent aussi bien que les hommes un an après une crise cardiaque, mais seulement après avoir modifié leurs facteurs de risque. « Leur pronostic est moins bon que celui des hommes, et c’est parce qu’elles sont obèses, souffrent d’hypertension et de diabète », explique la Dre Humphries.
Mais les femmes sont aussi moins susceptibles que les hommes de se voir prescrire des médicaments pour faire baisser leur tension artérielle ou leur taux de cholestérol après une crise cardiaque. Elles ont aussi moins de chances d’être orientées vers la réadaptation cardiaque, ou si elles le sont, elles abandonnent parce qu’elles ne sont pas à l’aise pour faire de l’exercice avec des hommes, constate Dre Humphries. Ou encore, il est possible qu’elles s’occupent d’enfants ou de parents âgés tout en travaillant et qu’il leur soit difficile de se rendre aux séances de rééducation pendant la semaine.