Photo de la proue de Petite Ourse naviguant vers le coucher du soleil.

Heureux qui, comme Dominique, a fait de beaux voyages!

Un tour du monde inoubliable
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En juillet 2009, Dominique Aucouturier (District 2, Thunder Bay), et Richard Kolomeychuk, capitaine et compagnon de vie depuis 40 ans, s’embarquaient à bord de leur voilier Petite Ourse en partance de Toronto. Objectif : naviguer autour du globe pour réaliser leur rêve de retraite. Une aventure qui allait prendre fin presque 10 années plus tard! Originaire de la ville de Tours en France et arrivée au Canada en 1972, Dominique a enseigné le français langue seconde pendant de nombreuses années pour le Toronto Catholic District School Board avant de prendre sa retraite en 2008.

En prévision de ce projet, Dominique avait pris une année sabbatique en 1992-1993 pour une tournée en Europe, question de se familiariser avec la vie en mer. Tous deux possédaient déjà une certaine expérience dans ce domaine : Richard était féru de navigation, tandis que Dominique s’était familiarisée avec la voile en France. Le couple s’était alors aventuré jusqu’aux Caraïbes avant de rentrer au pays. Malgré tout, la décision d’entreprendre ce périple inoubliable ne fut pas prise à la légère : cette fois-ci, Petite Ourse allait devoir parcourir bravement 35 000 milles nautiques (64 000 km), soit le double de la distance parcourue lors de leur expédition précédente sur le Golden Aura il y a presque 20 ans!

Nos deux passionnés de navigation ont mis deux années à préparer leur grande traversée océanique à bord de Petite Ourse, un solide voilier monocoque de croisière de 12 mètres propulsé par l’énergie solaire et une génératrice. Pour le confort et la sécurité, Petite Ourse est équipée d’un climatiseur, d’un réfrigérateur et d’un congélateur, ainsi que d’un dessalinisateur pour convertir l’eau salée en eau douce. Les moyens de communication (internet, téléphone, radio) complètent la liste de l’équipement indispensable.

La « répétition générale » avant le grand départ a consisté à naviguer pendant un mois et demi sur les Grands Lacs pour s’assurer que le navire était fin prêt à affronter l’océan. Durant cette période, ils ont effectué des réparations au moteur et à la génératrice du voilier.

Après avoir quitté le Canada et longé la côte est américaine, nos deux marins ont fait escale aux Bahamas, à Cuba, dans les îles mexicaines, puis en Amérique centrale et du Sud — au Guatemala, au Honduras, dans des îles de la Colombie et au Panama — où ils ont traversé vers le Pacifique.

L’endroit le plus pollué dans lequel ils se sont trouvés pendant leur périple a été les îles San Blas au large de Panama; malgré l’allure paradisiaque de ces îles, « les autochtones qui y vivent doivent composer avec un océan et des plages de détritus et de plastique », fait valoir Dominique.

L’aventure s’est poursuivie en longeant la côte ouest de l’Amérique du Sud avec un arrêt en Équateur, puis vers les îles Galapagos pour la préparation de la grande traversée du Pacifique.

Le 11 mai 2012, ils mettaient le cap en direction des îles Marquises en Polynésie française, où ils ont accosté 30 jours plus tard. Dominique nous dira que cette destination est demeurée son lieu de prédilection de toute l’aventure « à cause de l’accueil de la population locale, de la douceur de son climat, de la beauté de ses paysages et de la fraîcheur des fruits et des poissons », se souvient-elle, sans oublier un clin d’œil à la mémoire du compositeur Jacques Brel et du peintre Paul Gauguin.

Dans l’archipel de Tuamotu, elle a vécu une expérience d’une beauté à couper le souffle. « Le temps s’est suspendu, nous étions ébahis par tant de grandeur et de tranquillité », dit-elle en parlant du moment magique où elle a pénétré dans un atoll formé de récifs coralliens qui entourent une lagune aux eaux turquoise très claires foisonnant d’une quantité innombrable de poissons de toutes les couleurs.

Nos grands voyageurs se sont ensuite dirigés vers l’archipel de la Société (Tahiti), reconnu entre autres pour ses fermes de perles noires, puis vers les îles Cook, Samoa, Tonga et ses fameuses danses, ainsi que Fiji. Les escales suivantes leur ont permis d’accoster en Nouvelle-Zélande, où ils ont pu faire le plein de vin et de fruits frais, puis en Nouvelle-Calédonie et aux îles Vanuatu.

Leur voilier a ensuite accosté en Australie en pleine saison chaude (décembre) où Dominique et Richard ont loué une camionnette pour faire le tour de l’île pendant quelques mois. Puis ce fut la Grande Barrière de Corail en chemin vers l’Indonésie, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande (par avion), et le Sri Lanka. Une destination inoubliable par sa beauté, malgré la pauvreté qui y règne, sa faune exceptionnelle, les éléphants qui se promènent librement dans les villes et les parcs, ainsi que son héritage culturel extraordinaire avec ses temples qui datent d’avant notre ère.

La traversée s’est ensuite bien déroulée vers les Maldives, les Seychelles et Mayotte, des îles qui longent le continent africain dans l’océan Indien, puis du Mozambique vers l’Afrique du Sud en dépit des courants très forts et des grands vents. Lors de ce parcours, tout comme partout ailleurs dans les eaux visitées, Petite Ourse a profité de la compagnie enjouée des dauphins et de la présence impressionnante, inoubliable et parfois redoutable des merveilleuses baleines.

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Puis ce fut le retour vers l’Atlantique avec un court arrêt à l’île Sainte-Hélène, pour son excellent café et les souvenirs de l’exil de Napoléon.

Le voilier a ensuite mis le cap vers le nord pour s’arrêter dans plusieurs ports des Caraïbes où « tout s’est bien déroulé malgré le fait qu’il fallait demeurer vigilants dans les eaux trinidadiennes pour éviter les pirates de mer qui existent encore! », dit Dominique, une situation attribuable à l’effondrement économique du pays voisin, le Venezuela.

Leur longue escapade a pris fin à Annapolis aux États-Unis, où ils ont vendu le voilier avant de rentrer au Canada par voie terrestre.

Traduit dans l’édition anglaise par Pauline Duquette-Newman.

« Le temps s’est suspendu, nous étions ébahis par tant de grandeur et de tranquillité « 

Planification, précautions et pirates

Q : Le voyage s’est-il déroulé comme vous l’aviez espéré?
Dominique : Je répondrais oui, et même mieux, parce que c’est fantastique de vivre ce que l’on apprend dans les livres. Par exemple, arriver à Tonga où la ligne internationale de changement de date commence, et se faire dire fièrement par les habitants que l’on peut fêter deux fois son anniversaire en 24 heures si l’on se déplace de Tonga jusqu’aux Samoa américaines. Ou encore, vivre l’expérience des alizés (un vent soufflant toute l’année de l’est sur la partie orientale du Pacifique et de l’Atlantique) et se laisser transporter par eux, comme tous les autres explorateurs l’ont fait avant nous. Et puis, découvrir la beauté inimaginable du monde sous-marin, ou la vivre au coucher du soleil, ou la nuit en ayant comme seul compagnon le firmament, avec toutes les étoiles et la lune. Apprendre aussi des différentes cultures que l’on découvre et qui ne manquent pas d’avoir un impact sur nous.
Richard : Le voyage a été bien meilleur que ce que nous espérions. Si j’avais connu ce genre d’existence quand j’étais plus jeune, j’avoue sincèrement que je ne serais pas revenu à la vie terrestre. Si notre santé continue de le permettre, nous pourrions repartir.

Q : Avez-vous dû obtenir tous vos documents pour chaque pays visité avant de quitter le Canada?
Richard : La plupart, mais pas tous, parce que la procédure diffère selon les pays. Dans de nombreux endroits, on exige d’avoir un représentant en notre nom auprès du gouvernement. Beaucoup de pays limitent aussi le choix de votre port d’arrivée. Certains exigent de connaître au préalable vos informations sur l’arrivée, faute de quoi vous risquez une forte amende ou de vous faire refuser l’accostage. La façon correcte d’arriver dans un pays était d’arborer un drapeau jaune de quarantaine, retiré après une autorisation sanitaire qui avait lieu à la suite du passage de la douane. À Cuba, des agents ont fouillé notre bateau pour du matériel pornographique et de la drogue, et nous devions les informer de chacun de nos déplacements en voilier. Aux Maldives, un pays musulman, on a vérifié si le bateau contenait des bibles avant de pouvoir le réparer. En Australie, le bateau a été inspecté pour détecter la présence de termites et de moisissures biologiques sur la coque. En Nouvelle-Zélande, on a confisqué nos conserves de viande faites maison. Aux États-Unis, il est obligatoire de déclarer chaque escale que vous faites dans les différents ports.

Q : Avez-vous eu parfois peur?
Dominique : Oui, quand les vagues étaient hautes (5 ou 6 mètres), en particulier dans l’Atlantique, de l’Afrique du Sud vers l’île Sainte-Hélène. Le voilier montait sur la vague (pendant quelques secondes) puis retombait brusquement. J’ai appris peu à peu à m’habituer à cette cadence en me disant que lorsque le voilier aurait réussi cette manœuvre une douzaine de fois, ça devrait aller. Mais nous avions un très bon bateau pour affronter l’océan et un excellent capitaine qui avait toute ma confiance.

La nuit, si je voyais un petit bateau très peu éclairé s’approcher de Petite Ourse, je craignais les pirates.

Quant à l’accostage à l’île Sainte-Hélène, ce fut pour moi une expérience un peu effrayante, mais aussi la plus cocasse du voyage. En attrapant la corde pour pouvoir atterrir sur la terre ferme, on avait l’impression de jouer à Tarzan et Jane!
Richard : Les houles océaniques à cet endroit sont énormes. Le seul moyen de passer de l’aire d’amarrage au quai et vice versa est de saisir une corde et de se balancer sur le quai ou le bateau. C’est assez effrayant au début, mais, après quelques fois, ça devient une procédure de routine.

Q : Vous avez parlé de pirates. Quelles précautions avez-vous prises?
Richard : À l’époque, l’endroit le plus dangereux pour les pirates se trouvait au large de la Somalie, à l’embouchure de la mer Rouge. Nous avons évité ce secteur et choisi plutôt d’aller en Afrique du Sud et de contourner le cap de Bonne Espérance. Dans les Caraïbes, nous avons eu accès au réseau régional de sécurité des croisiéristes, qui vous informe des récents cambriolages de bateaux, des vols et, dans certains cas, des meurtres. Mais il est plus sécuritaire de naviguer sur un voilier que de voyager en voiture, pourvu que l’on respecte les consignes de sécurité.

Une aventure inoubliable!
Portée par les vents alizés, Petite Ourse aura finalement parcouru 84 000 km (45 000 milles nautiques) dans les mers des hémisphères nord et sud. Une aventure ponctuée de brèves interruptions qui allait durer presque 10 ans.

Dominique Aucouturier et Richard Kolomeychuk revenaient en effet régulièrement à la maison pendant plusieurs mois à la fois pour s’occuper de leurs affaires personnelles comme les rendez-vous médicaux et dentaires, remplir leur déclaration de revenus et laisser passer la dangereuse saison des cyclones en mer.

Dominique n’a jamais complètement délaissé l’enseignement. Quand elle revenait occasionnellement au Canada, elle faisait de la suppléance pendant quelques mois. Lorsque l’occasion s’est présentée pendant leur tour du monde, elle en a aussi profité pour offrir gratuitement ses services d’enseignante, notamment en Indonésie et en Nouvelle-Zélande, une expérience qu’elle a particulièrement appréciée auprès d’élèves qui ont accueilli avec enthousiasme les quelques notions de la langue française qu’elle leur offrait. Quitter la salle de classe à la retraite a été difficile pour elle. « Lors de notre retour, j’aurais bien voulu continuer l’enseignement, mais la COVID-19 a tout chamboulé », précise Dominique.

En mer, leur périple s’est en somme fort bien déroulé. Il a évidemment fallu s’arrêter à l’occasion pour l’entretien normal du bateau et pour se ravitailler. Nos deux navigateurs ont aussi dû se conformer aux exigences de chacun des plus de 40 pays visités; il fallait obtenir l’autorisation de s’y arrêter, présenter la documentation nécessaire et se plier à l’inspection du bateau. La possession des passeports canadien et français s’est avérée avantageuse pour Dominique, certains pays privilégiant l’un plus que l’autre.

Ce voyage au long cours leur a fourni l’occasion de vivre des expériences marquantes avec les populations locales, dont des invitations à dîner dans des familles et des événements culturels, sportifs et religieux.

Ils affirment avoir bien mangé tout au long de l’expédition en se ravitaillant lors des escales, en pêchant en haute mer ou en puisant dans les provisions apportées du Canada. « Nous avons très bien mangé un peu partout, affirme Dominique. Et quoi de meilleur qu’un poisson tout frais pêché ? Beaucoup de mahi-mahi, du thazard bâtard et de la bonite. À l’occasion, nous avons dégusté quelque chose rapporté du Canada, comme du sirop d’érable sur des crêpes, parfois le dimanche matin. »

Lorsque le voilier n’était pas amarré, les journées étaient consacrées à la préparation des repas, la navigation, la lecture, le rapport du journal de bord et la publication sur leur blogue Voyages of Petite Ourse (sailblogs.com/member/petiteourse/392567). Ils ont également pu profiter de la compagnie d’amis et de connaissances qui se sont joints à eux pendant une partie de la traversée.

Toute jeune, Dominique avait déjà la bougeotte : « Je devais avoir huit ans et je me souviens encore de ce jour-là. J’avais décidé de parcourir le monde pour découvrir des cultures et des pays différents. Maintenant que c’est fait, je voudrais le refaire. C’est une passion ! », dit-elle.
Dominique et Richard ont tous deux le désir de voyager, de bouger, de planifier la prochaine aventure maritime. Le chant des sirènes serait-il trop fort? Ne l’ébruitez pas, mais ils songent à s’acheter un nouveau voilier pour repartir. Les îles Aléoutiennes, l’Alaska, la Russie… peut-être, s’ils en ont encore l’énergie.

La conclusion de Dominique : il n’est jamais trop tard pour lever les amarres!

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