Toile Mandala, créée par Kerry Black et tirée du livre à colorier Express Yourself in Colour

Stimuler sa joie

La créativité peut rendre heureux
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J’ai été initiée à l’écriture chronométrée comme forme de pleine conscience pendant que je supervisais un week-end de retraite pour des filles en robotique. Le Défi « Oui, vous le pouvez! » de Renaissance m’a fait réfléchir à la façon dont je pourrais mettre à profit cette technique d’écriture pour recueillir les témoignages de ma famille, un sujet dont je parle depuis longtemps, surtout depuis le décès de ma mère en 2019, et que je me remémore le « bon vieux temps » avec mes enfants.

Je suis sino-jamaïcaine de deuxième génération. Plus précisément, mes grands-parents des deux côtés sont nés en Chine et mes parents font partie de la première génération à être née en Jamaïque. Nous avons immigré au Canada au milieu des années 1970, comme de nombreuses autres familles jamaïcaines. À l’époque, beaucoup croyaient que les changements politiques et la violence croissante sur l’île rendraient l’avenir très incertain.

Portrait de la famille Look Hong avec voiture en arrière-plan
La famille Look Hong. Suzanne Read est quatrième à partir de la gauche.

J’ai envisagé d’inclure dans mes écrits des conversations avec des parents et des amis. La raison : ce que je sais ou ce dont je me souviens avoir entendu ne correspond pas toujours aux souvenirs des autres. La perspective est importante!

Au début de 2021, j’ai commencé à travailler avec deux cahiers – l’un pour mon père, l’autre pour ma mère –, un stylo-plume et une bouteille d’encre.

Il y a quelque chose d’apaisant dans l’acte physique d’écrire chaque jour. Je règle ma minuterie pour 30 minutes et j’écoute une musique de film d’Ennio Morricone – après tout, les souvenirs de famille sont une véritable épopée! – ou encore, le violoncelliste Yo-Yo Ma, un de mes artistes préférés, et j’écris. Une journée est consacrée à la famille de mon père, le lendemain, à celle de ma mère. Puisque je m’intéresse à certains détails généalogiques, j’ai utilisé les ressources de la bibliothèque publique de Toronto pour trouver des dates de naissance, de décès et de mariage, et même des manifestes d’équipages et de passagers*. J’ai constaté des écarts dans l’orthographe des noms de famille, ce qui est assez courant chez les Chinois lorsque nos noms sont anglicisés; aussi, les erreurs de transcription sont fréquentes lorsque l’écriture cursive est numérisée**.

J’ai commencé à correspondre avec des parents et des amis proches de la famille, en leur demandant de me parler de leurs souvenirs et de leurs perceptions des événements et des personnes.

La famille de papa, les Chen See, était des petits commerçants dans le village jamaïcain rural de Ginger Hill, dans la paroisse de St. Elizabeth. La grande ville la plus proche au nord était Montego Bay, à quelque 19 kilomètres de routes sinueuses à travers les collines. De Ginger Hill, il leur fallait voyager pendant toute une nuit en camion jusqu’à la capitale, Kingston, où ils se procuraient des produits secs comme de la morue salée, du sucre, de la farine et de l’huile, ainsi que d’autres articles comme du tissu, du fil, de la corde, des bijoux et des chaussures. Ils vendaient ces articles aux villageois qui n’avaient plus besoin de se rendre en ville pour se procurer des produits de base. La famille achetait également du gingembre, des peaux de chèvre tannées et d’autres produits auprès de la population locale, qu’elle vendait ensuite à Kingston. Par la suite, la famille s’est installée à Kingston, où elle possédait et exploitait une quincaillerie nommée Hole-in-the-Wall sur King Street. L’entrepôt sur Harbour Street est devenu plus tard un autre magasin.

La même histoire se répète pour de nombreux Chinois en Jamaïque. L’écrivain Easton Lee a publié des poèmes sur ce sujet, racontant comment il avait grandi sous le comptoir d’un magasin et écouté les nouvelles du jour, à une époque où les enfants n’avaient pas voix au chapitre. Les Jamaïcains d’origine chinoise constituaient une bonne partie de ce que l’on appelle la classe moyenne. Ils possédaient et exploitaient de nombreux supermarchés, pharmacies et boulangeries de l’île – du moins, c’était le cas lorsque nous avons quitté la Jamaïque au milieu des années 1970.

Portrait de la famille Chen See
Ci-dessus : portrait formel de la famille Chen See. Le père de Suzanne Read, âgé d'environ 3 ans, est complètement à gauche.

Mon grand-père Charles Chen See avait trois frères et sœurs. Je ne les ai jamais connus, pas plus que beaucoup de leurs descendants, malgré le vieil adage voulant que tous les Sino-Jamaïcains se connaissent. Grand-père était marié à Anna Chang. C’était un mariage arrangé. Mon arrière-grand-père Chen See est retourné en Chine pour ramener Anna, alors âgée de 14 ans, pour qu’elle épouse Charles; apparemment, les familles s’étaient connues en Chine.

Les parents de maman étaient des restaurateurs et des entrepreneurs à Kingston. Ma grand-mère (je l’appelais « Japo » – mère de ma mère; en chinois, il existe des termes spéciaux pour désigner les relations familiales) m’a raconté un jour comment elle et son mari (Jagung) sont venus vivre en Jamaïque. Mon arrière-grand-père Look Hong (ou Look Kam, selon un document officiel) tenait un restaurant et envoyait de l’argent à sa femme en Chine. Les gens du village dans ce pays étaient jaloux et menaçaient de faire du mal à mon grand-père James, de sorte que sa mère l’a envoyé chez son père. Japo a dit que James est arrivé en Jamaïque à l’âge de six ans; une tante a dit qu’elle pensait qu’il avait alors 12 ans; une autre tante qu’il avait neuf ans et qu’il était venu avec son père. Mon arrière-grand-père avait pris une deuxième épouse en Jamaïque, puisque celle de Chine ne voulait pas venir le rejoindre . C’était apparemment une pratique courante. On entendait parler des enfants de la première ou de la deuxième épouse, et dans ma jeunesse, j’ai toujours supposé que la première épouse était morte!

Japo racontait que mon grand-père avait insisté pour que ses demi-frères et sœurs soient élevés par sa mère (la première épouse), et que ses sœurs lui devaient la vie parce qu’elles avaient fait de très bons mariages. Dans mon enfance, j’ai rencontré ces tantes assez « glamour » à Hong Kong. Elles parlaient exclusivement le cantonais, et c’est seulement à l’âge adulte que j’ai appris qu’elles étaient métissées.

Finalement, le moment est venu pour que Jagung se marie. Sa mère lui a envoyé des photos de candidates éligibles, et il a choisi Suevon Liang. Sa mère voulait qu’il choisisse quelqu’un d’autre, parce qu’elle était fille unique et que son père était mort, mais Jagung a répondu que ce serait elle ou personne. Ils se sont mariés et elle est venue en Jamaïque à 16 ans, sans parler un mot d’anglais. Ensemble, ils ont élevé six enfants (ma mère étant l’aînée). Ils possédaient et exploitaient aussi plusieurs restaurants et même une boîte de nuit. Ils sont eux aussi venus au Canada au milieu des années 1970 avec le reste de la famille.

Certificat de mariage de Look Hong
À droite : copie du certificat de mariage de Look Hong.

Depuis, j’ai écrit dans mes carnets au sujet de la mort tragique de la sœur aînée de papa, dont il n’a jamais parlé; de la conversion de Jagung au catholicisme alors qu’il se croyait sur son lit de mort – il avait un ulcère, probablement à cause de tous ces restaurants à gérer; des parents de papa assis sur la banquette arrière quand il est arrivé pour un premier rendez-vous avec maman; de maman, à l’adolescence, tentant de convaincre les domestiques de préparer des plats jamaïcains, comme l’ackee, le poisson salé et le maquereau, parce que les plats traditionnels étaient interdits à la maison; du joueur de poker qui prenait des paris; des vieux Chinois assis sur le trottoir qui interpellaient les jeunes passantes en leur demandant « De quelle lignée es-tu? »; de la tante qui avait encouragé son fils à fuir le service militaire américain en Europe – dans sa jeunesse, elle avait vu trop de violence et de morts dans la Chine occupée par le Japon.

Illustration en couleur par Kerry Black

Voir le monde différemment

L’une des pièces du complexe d’appartements où habite Kerry Black (District 22 Etobicoke et York) est désignée comme salle d’art. « La salle d’art offre un environnement tranquille et convivial, loin des bruits habituels d’une habitation », explique-t-elle.

Quelques fois par semaine, à raison de deux ou trois heures, Mme Black s’y retrouve avec d’autres femmes. Toutes sont artistes-peintres et leurs tableaux sont accrochés aux murs.

« C’est l’occasion pour nous de nous réunir et de socialiser, dit-elle. C’est stimulant de discuter et de passer du temps ensemble. »

Mais se retrouver n’est pas le seul avantage. « Nous pouvons nous encourager et nous soutenir mutuellement dans nos efforts de création, ce qui renforce notre confiance et notre sensation de bonheur. »

Mme Black ne peint pas, mais colorie dans des albums conçus pour adultes. « J’ai 100 marqueurs, ce qui me permet d’imaginer le monde d’une nouvelle façon, dans une grande variété de nuances et de formes, décrit-elle. Sans compter que les couleurs vives me mettent de bonne humeur. » —Brooke Smith

L’écriture s’est développée au-delà d’un exercice délibéré de pleine conscience. J’ai découvert The Jamaica Reader, qui fait partie d’une série publiée par la Duke University Press en 2021 et qui porte sur l’histoire, la culture et la politique, et j’ai redécouvert The Shopkeepers de Ray Chen, paru en 2005 à l’occasion des 150 ans de présence chinoise en Jamaïque. La lecture des essais et des contributions m’a permis de mieux apprécier et de mieux comprendre la politique de l’époque au cours de laquelle mes grands-parents ont immigré en Jamaïque puis au Canada, ainsi que l’histoire des Chinois en Jamaïque depuis 1854, la date la plus ancienne connue d’un manifeste de navire. Je vais probablement acheter mes propres exemplaires pour les relire et y réfléchir dans mes temps libres, et aussi pour les partager avec mes enfants.

Créativité et pleine conscience

À sa retraite, Carla Waites (District 11, région de Waterloo) a entamé une seconde carrière en tant que facilitatrice de la pleine conscience.

« Je donne des ateliers et travaille avec beaucoup d’éducateurs du conseil scolaire de Waterloo, dit-elle. Ma créativité se manifeste davantage dans les idées, comme lors de la préparation d’ateliers et d’événements, ainsi que dans la résolution de problèmes. »

Pour faire appel à cette créativité, Mme Waites recherche le calme – « pas nécessairement la méditation, mais simplement du temps avec moi-même, commente-t-elle. Cela ne dépend pas de la personne avec qui je suis ni de l’endroit où je me trouve ». Pour elle, il s’agit simplement d’apprécier ce qui l’entoure.

« Même si on ne peut pas vraiment freiner les pensées qui surgissent, dit Mme Waites, on peut s’entraîner à y prêter moins d’attention. »

« Nous croyons souvent que nous devons intervenir si une pensée ou un sentiment émerge. Pour être créatif et ressentir une certaine paix intérieure, il nous faut reconnaître la présence de ces pensées, mais sans devoir y donner suite. » —Brooke Smith

En tant qu’enseignante de sciences et ancienne aide-enseignante, j’ai longtemps appris aux autres à utiliser la troisième personne pour écrire des observations et des conclusions. En tant que directrice adjointe, j’ai appris à rédiger sobrement et avec parcimonie, en tenant soigneusement compte de mon public. Mais lorsque j’écris pour moi-même, c’est comme si j’écrivais une lettre; j’en suis à la fois l’auteure et la destinataire. Lorsque je raconte le souvenir ou le témoignage d’une autre personne, j’essaie d’inclure sa perception et le contexte de l’événement. Je choisis donc mes mots avec soin – il ne s’agit pas d’écrire librement tout ce qui me vient à l’esprit.

Consigner mon histoire familiale a confirmé ce que je crois avoir toujours su : nos perceptions influencent nos souvenirs. Et l’endroit d’où nous venons influence qui nous sommes.

*Les membres de la bibliothèque publique de Toronto peuvent accéder aux ressources en ligne par « Local History and Genealogy ». J’ai utilisé l’outil de recherche HeritageQuest pour accéder aux documents sur les Caraïbes, notamment aux registres d’état civil et aux registres paroissiaux de la Jamaïque.

**Le nom de famille de mon grand-père maternel est Look; cependant, lui et sa progéniture sont officiellement inscrits sous le nom de Look Hong, et on l’appelait souvent M. Hong. Ses demi-frères et sœurs et leurs enfants sont inscrits officiellement sous le nom de Lukong. Le nom de famille qui figure sur l’avis de décès de ma grand-mère paternelle était Chen Lee, et non Chen See. De même, le nom de famille d’un oncle est inscrit comme étant Chen Su.

Illustration en couleur par Kerry Black
Kerry Black ne peint pas. Elle colorie des livres conçus pour adultes et imagine le monde selon des formes et des ombres.

Faites appel à votre côté créatif

Les personnes créatives ne sont pas seulement votre sœur gauchère ou votre ami artiste-peintre. Chacun a la capacité de l’être. Danser. Chanter. Jardiner. Faire de la pâtisserie. Ce sont toutes des activités créatives. Et vous savez quoi? Soyez créatif et vous en tirerez des bénéfices physiques, émotionnels et mentaux.

Vous voulez réveiller le John Travolta qui sommeille en vous, celui de l’époque de La Fièvre du samedi soir? Alors, sortez vos chaussures de danse. La danse est une excellente activité créative – et c’est aussi un bon exercice.

Une étude a montré que les participants à des cours de Zumba ont réduit leur tension artérielle et leur taux de triglycérides. Une autre étude sur des survivantes du cancer du sein a révélé que la danse contribuait à améliorer l’amplitude des mouvements de leurs épaules.

Mais si vous n’avez pas la piqûre du « disco », ne vous inquiétez pas. Le simple fait d’écouter de la musique peut faire jaillir la créativité. Une étude indique que la créativité était plus élevée chez les participants qui écoutaient de la « musique joyeuse » en travaillant, que chez ceux qui s’entouraient de silence.

Mais ne vous contentez pas d’écouter. Chantez aussi! Les recherches montrent que faire travailler les cordes vocales comporte de nombreux avantages pour la santé.

Des médecins ont signalé que la tension artérielle d’une femme de 76 ans qui souffrait d’hypertension avant une opération de remplacement du genou baissait lorsqu’elle chantait des chants religieux.

Votre posture aussi peut s’améliorer si vous vous mettez au chant choral. Après tout, une bonne technique de chant exige une bonne posture. Lorsque vous vous tenez droit, les épaules rejetées en arrière, votre poitrine ne s’enfonce pas lorsque vous expirez. Et en position droite, votre diaphragme – un instrument clé pour le chant – fonctionne correctement et efficacement.

Cette bonne posture favorise aussi un meilleur équilibre et une plus grande force. Une étude de l’Université de San Francisco a constaté que les aînés membres de 12 chorales de la région de la baie tombaient moins souvent et que leurs jambes étaient plus fortes. Une autre étude de l’Institute for Health and Aging de l’Université de Californie à San Francisco a révélé que 30 pour cent des participants âgés qui manquaient de souffle ont déclaré que leur respiration s’était améliorée depuis qu’ils chantaient.

Si votre carrière de chanteur se limite à la douche ou si vous avez les deux pieds dans la même bottine sur la piste de danse, pourquoi ne pas essayer une activité créative plus cérébrale : l’écriture. Dans une étude, des patients séropositifs ont été invités à écrire sur leurs expériences de vie douloureuses pendant quatre jours, à raison d’une demi-heure par jour. Non seulement avaient-ils des choses positives à dire au sujet de leurs essais, mais leur production de lymphocytes CD4+ (ou cellules T, les globules blancs qui combattent les infections) avait augmenté.

D’autres études ont démontré que les personnes qui tenaient un journal dormaient mieux et guérissaient plus vite de leurs blessures. Par exemple, une petite étude menée en Nouvelle-Zélande a demandé à ses 49 participants (tous âgés de plus de 65 ans) d’écrire sur un sujet difficile ou sur un sujet neutre tous les jours pendant trois jours. Deux semaines plus tard, tous les participants ont subi des biopsies du bras. Ceux qui avaient écrit sur des sujets difficiles ont guéri 34 pour cent plus vite que ceux ayant couché sur papier leurs activités quotidiennes.

Si les activités créatives peuvent avoir des effets bénéfiques sur le plan physique, elles peuvent aussi améliorer l’humeur.

La pratique de la psychologie de la positivité fait appel à un état de conscience appelé « l’expérience optimale ». Il désigne le moment où vous êtes « dans la zone », alors que vous vous concentrez sur ce que vous faites et en profitez.

Dans un blogue de la Cleveland Clinic, Tammy Shella, responsable de la thérapie par l’art, explique que cet état d’expérience optimale survient lorsque vous créez des œuvres d’art. « Pendant ce processus, vous êtes dans ‘la zone’ et complètement concentré sur la tâche à accomplir. Vous oubliez l’heure, les sensations corporelles ou tout autre besoin. »

Une meilleure santé physique et mentale? Excellent! Un meilleur fonctionnement du cerveau? Absolument!

Une étude sur le vieillissement, réalisée par la clinique Mayo, a examiné près de 2 000 participants sur une période de quatre ans. Après ajustement en fonction de l’âge, du sexe et du niveau d’éducation, les chercheurs ont constaté que la « déficience cognitive légère » diminuait de 28 pour cent lorsque les participants s’adonnaient à des activités artisanales, de 23 pour cent lorsqu’ils prenaient part à des activités sociales et de 22 pour cent à des jeux.

Peu importe votre intérêt créatif, voici ce qu’il faut retenir : ne lâchez pas. Comme l’indique un participant à une initiative artistique basée à Vancouver : « Ce qui est formidable dans le fait d’être créatif, c’est qu’on n’a jamais besoin de s’arrêter. Ça ne disparaît pas avec la retraite. »

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