Pour répondre à la question « Être Canadien — ça veut dire quoi? », je me réfère directement à une citation du grand musicien canadien Gordon Lightfoot : [Traduction] « Vous percevez les vibrations autour de vous et ça vous imprègne. » Les gens que j’ai rencontrés, le hockey et les vibrations que j’ai ressenties au cours des nombreuses expériences que j’ai vécues ont façonné mon identité canadienne.
Quand je réfléchis à ce que cela signifie d’être Canadien, je pense d’abord à M. et Mme Gray. Ma mère, Fay, travaillait avec Mme Gray à la Sudbury Steam Laundry. Un jour, Mme Gray l’a entendue parler de son voyage prochain à l’aéroport international de Toronto pour accueillir ses trois fils qui arrivaient de la Jamaïque. Ma mère n’avait aucune idée de la façon dont elle ferait seule le voyage de cinq heures jusqu’à Toronto, car mon père, Sylvester, devait travailler et ne pouvait se permettre de s’absenter. Cela aurait voulu dire moins d’argent pour les vêtements, la nourriture et le logement.
M. et Mme Gray ont donc offert de conduire ma mère à Toronto afin qu’elle nous accueille, mes frères et moi. À l’époque, j’avais 12 ans, Patrick 10 ans et Markel 8 ans. Les Gray ont même refusé de l’argent pour l’essence.
En route vers mon nouveau foyer à Sudbury, en Ontario, j’ai mangé un hot-dog pour la première fois, gracieuseté du couple Gray. La nourriture a rempli mon estomac, mais ce sont surtout leur gentillesse et leur dévouement qui ont rempli mon cœur. Leur esprit d’entraide, de générosité et d’accueil a influencé ma perception de ce que signifie être Canadien — nous nous aidons nous-mêmes en aidant les autres, c’est ce que j’ai appris.
Notre famille s’est installée à l’étage supérieur d’un bâtiment de deux étages au 293 Peter Street. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai dit à mes parents que je ne sortirais jamais — ça ne ressemblait pas à la Jamaïque. Ils n’ont pas su quoi me répondre.
Un autre jour, le nez à la fenêtre, j’ai vu des enfants qui ne me ressemblaient pas, et j’ai dit à mes parents que je ne sortirais pas. Ils m’ont tous deux regardé, encore une fois sans savoir quoi me répondre.
J’entendais les enfants jouer et parler une langue inconnue que je ne comprenais pas. Mes parents m’ont dit que c’était du français. J’ai répondu que ces enfants ne me ressemblaient pas, ne parlaient pas ma langue et ne voudraient pas jouer avec moi, et donc que je ne quitterais pas l’appartement.
Mon univers n’avait aucune porte de sortie, jusqu’à ce que j’aille à l’école.
Quand le temps froid est arrivé, les petits francophones sont sortis pour jouer au hockey dans la rue. Ma vie a changé quand ils m’ont offert de jouer avec eux. Je me suis servi du bâton de hockey du fils du propriétaire pour garder le filet. Je savais comment attraper, bloquer et renvoyer la balle. J’ai réussi à bloquer quelques lancers et je me suis fait de nouveaux amis. J’ai appris un nouveau jeu et j’ai ri un peu.
J’avais même un nouveau rêve : devenir Ken Dryden des Canadiens de Montréal. Ni mon apparence ni ma langue n’avaient d’importance pour mes petits compagnons ou pour moi. La seule chose qui comptait, c’était que je faisais partie du jeu et de l’équipe. C’est ça, être Canadien.
Les petits francophones de Peter Street auraient pu m’ignorer, ou s’en prendre à moi et se moquer de moi. Au lieu de cela, ils m’ont invité à jouer avec eux et à être comme eux. J’ai appris à jouer au hockey et suis devenu un grand admirateur des Canadiens de Montréal grâce aux enfants de la rue Peter. Des jeunes comme eux, on en retrouve partout dans ce grand pays.
Je suis devenu citoyen canadien en 1975. J’ai pleuré des larmes de joie en chantant Ô Canada. Les vibrations, ces bons sentiments générés sur le moment, se sont emparées de moi et sont devenues le phare qui m’a guidé alors que je faisais mon chemin dans ce vaste pays au grand cœur.
Devenir Canadien n’a pas été un événement en soi, mais plutôt un processus façonné par les vibrations positives de mon entourage. Je remercie M. et Mme Gray et les petits francophones de Peter Street de m’avoir aidé à réaliser ce que cela signifie, être Canadien. C’est rassembler les gens pour améliorer la communauté, le pays et le monde.
C’est ce que j’ai vécu, et maintenant je le partage.